Source : Le Nouvel Observateur

Raymond Aubrac (1914-2012)

Le Parisien. fr avec l’AFP
Texte Laurent Degradi

Crosne (Essonne), mars dernier. Raymond Aubrac était l’une des dernières personnalités de la Résistance à avoir connu Jean Moulin. Très actif, il était encore allé à la rencontre des collégiens de l’Essonne. 

Raymond Aubrac, l’un des derniers cadres de la Résistance, est mort mardi soir à l’age de 97 ans à l’hopital militaire du Val de Grace, a indiqué mercredi matin sa fille. Co-fondateur du mouvement « Libération Sud », il était l’une des dernières personnalités de la Résistance à avoir connu Jean Moulin. Il était le dernier survivant des chefs de la Résistance réunis et arretés en juin 1943 à Caluire (Rhone) avec le chef du Conseil national de la Résistance (CNR). Sa femme, Lucie Aubrac, elle aussi héroine de la Résistance, est morte en 2007 à l’age de 92 ans. Ils avaient trois enfants et dix petits-enfants.

En 1947 et 1950, Raymond Aubrac avait été témoin à charge lors des deux procès du résistant René Hardy (décédé en 1987), accusé d’avoir livré Jean Moulin à la Gestapo et acquitté au bénifice du doute. De son vrai nom Raymond Samuel, il était resté un citoyen très actif. engagé à gauche, il avait été ovationné en février 2008 après un discours défendant la laicité, lors du meeting de campagne de Bertrand Delanoé pour les municipales.

Il avait appelé à voter pour Francois Hollande au premier tour de la prochaine élection présidentielle. Il avait fait partie d’une association d’anciens résistants qui avait dénoncé comme un « coup électoral » la possible visite, cette année comme tous les ans, de Nicolas Sarkozy au plateau des Glières, haut lieu de la Résistance dans les Alpes. Grand officier de la Légion d’honneur, Croix de guerre 39-45, rosette de la Résistance, Raymond Aubrac faisait des Compagnons de la Libération, dont moins d’une trentaine sont encore en vie. Il avait publié en 1996 son autobiographie, « ou la mémoire s’attarde ».

Il allait à la rencontre des jeunes pour témoigner

Né le jour de l’assassinat de Jean Jaurès, le 31 juillet 1914 à Vésoul (Haute-Saone) dans une famille juive, il était ingénieur civil des Ponts et Chaussés, licencié en droit et titulaire d’un Master of Science de l’université d’Harvard (Etats-Unis). Dès 1940, il s’est engagé dans la Résistance avec Lucie, et est devenu attaché à l’état-major de l’Armée secrète. Arretés le 21 juin 1943 à Caluire, emprisonnés à Montluc, Raymond Aubrac et quatorze résistants sont libérés grace à un intrépide raid de commando monté par Lucie, qui entrera dans la légende de la Résistance. Cet épisode est au centre du film de Claude Berri, « Lucie Aubrac », sorti en 1997, avec Carole Bouquet dans le role de l’héroine.

Recherché par la Gestapo, le couple est parti pour Londres, puis Raymond a gagné Alger, ou il est devenu délégué à l’Assemblé consultative en juin 1944. A la Libération, il est devenu commissaire régional de la République à Marseille, responsable du déminage du littoral, puis inspecteur général à la Reconstruction. En 1948, alors compagnon de route du PCF, il a renoncé à une carrière de haut fonctionnaire pour fonder le Bureau d’études et de recherches pour l’industrie moderne (BERIM), spécialisé dans le commerce avec les pays communistes, qu’il a dirigé pendant dix ans. Il est ensuite devenu directeur à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), de 1964 à 1975.

« La Résistance, ça couvre des petits gestes et aussi quelques aventures »

Lui et sa femme n’ont eu cesse de se rendre de lycées en collèges pour témoigner de leur passé de résistants auprès des jeunes. Pas plus tard qu’en mars denier, Raymond Aubrac était encore allé à la rencontre de collégiens à Crosne, en Essonne. « Je ne supporte pas la solitude après 67 ans de vie commune. Alors, quand je me suis retrouvé seul, j’ai été heureux d’avoir des invitations de scolaires qui me donnaient le sentiment d’etre encore un peu dans la vie », expliquait en 2010 Raymond Aubrac à TV Tours lors de l’inauguration d’un établissement portant son nom dans cette ville.

Il lui était alors demandé ce qu’était résister: »Surveiller ce qui se passe, essayer de comprendre ce qui se passe dans la société qui nous entoure. Et quand on a le sentiment qu’on est devant une injustice, réagir à l’injustice et ne pas se contenter de la constater mais essayer de faire quelque chose. Pour moi, c’est ça la Résistance, ça couvre des petits gestes et aussi quelques aventures. »

« C’est une figure emblématique majeure » à laquelle, « beaucoup se sont référés », a rappelé Francois Bayrou, invité sur France Inter et premier responsable politique à réagir à sa disparition. Son amour avec Lucie Aubrac, autre figure de la résistance décédée en 2007 « fait légende », selon le leader du Modem. »

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