Lectures automnales, deuxième partie

Par Sébastien Vincent

Dans cet article, nous poursuivons nos suggestions de lectures pour l’automne. Cette fois, passons au rayon des biographies.

 

 

Peter Longerich, Himmler, Paris, Perrin, « coll. Tempus », 2013 (deux tomes)

L’historiographie récente de la guerre 39-45 accorde une importance certaine aux acteurs du conflit, notamment aux piliers du Troisième Reich.

Initialement paru aux éditions Héloïse d’Ormesson en 2010, l’imposante biographie de Heinrich Himmler est désormais disponible en format poche. Le lecteur est immédiatement saisi par son exhaustivité : le premier tome fait 698 pages, le second, 672 pages. Plus de 200 pages de notes!

On l’aura compris, l’historien allemand Peter Longerich nous convie à un troublant périple au cœur de la fantasmagorie de cet être névrosé, mythomane et fanatique qui, rappelle le prologue, se suicida en avalant une capsule de cyanure devant des soldats anglais, peu de temps après son arrestation.

Esprit assoiffé d’efficacité, Himmler a été un pivot du régime nazi et l’un des instigateurs de la Solution finale. Son génie bureaucratique malsain lui a fait froidement concevoir les déportations de masse et Dachau, modèle des camps d’extermination. Véritable figure du Mal devenue l’un des plus grands criminels de l’histoire, Himmler incarna, au fond, l’image inversée du mythe aryen. Blafard et chétif, privé de tout charisme, il n’a jamais connu les combats.

Longerich soutient que ce petit bourgeois porté par des fantasmes guerriers trouva dans le nazisme un moyen de compenser sa fragilité intime et sa volonté de pouvoir. Cet écart entre l’ambition élitiste d’Himmler, chef des SS, et son évidente banalité le rend profondément terrifiant. La lecture de ce travail monumental qui repose notamment sur le journal d’Himmler et sa correspondance s’avère dérangeante, du fait qu’elle dévoile la face la plus sombre de l’humain.

 

 

Alain Frerejean, Churchill et Staline. Biographies croisées, Paris, Perrin, 2013

Voilà une idée originale. Croiser l’aristocrate de haut vol que fut Winston Churchill et le fils de savetier qu’était Joseph Staline. Croiser le démocrate et le dictateur, l’hyperémotif et le coeur de pierre, le dépressif et le paranoïaque. Quel est le résultat, au final, de cette biographie croisée, téméraire exercice d’écriture?

Alain Frerejean offre peu d’éléments nouveaux. Il propose plutôt une juxtaposition des deux existences racontées en parallèle. Rien de nouveau quant aux années de jeunesse des deux hommes. Un chapitre détonne. Intitulé « La cour amoureuse », il suit immédiatement celui consacré à l’arme nucléaire. On appréciera certainement les chapitres étoffés qui décrivent les rencontres, les oppositions, les échanges entre les deux hommes. Sommes-nous alors réellement dans une biographie croisée ou dans le récit d’ordre historique et diplomatique? Au final, l’ouvrage s’avère intéressant pour aborder ces deux grandes figures de la Seconde Guerre mondiale.

 

 

François Delpla, Churchill et Hitler, Paris Perrin, « coll. Tempus », 2013

Winston Churchill, encore lui, cette fois dans un portrait croisé avec Adolf Hitler. 

Le site de l’éditeur présente en ces mots l’ouvrage de l’historien François Delpla initialement paru en 2012 aux Éditions du Rocher : « Portrait croisé des deux principaux protagonistes de la seconde guerre mondiale.Le duel Churchill-Hitler oppose non seulement deux personnalités et deux tempéraments, mais aussi deux visions du monde antinomiques. Churchill fut l’un des premiers à comprendre les visées hégémoniques du nazisme et de son chef et à dénoncer le totalitarisme barbare de son régime. Quant à Hitler, il détestait et redoutait Churchill dont l’obstination et le charisme contrariaient son rêve d’une alliance avec l’Angleterre. En racontant leur affrontement, François Delpla éclaire l’ensemble des années 1933-1945 ».

Au terme des trois parties qui suivent l’ordre chronologique, François Delpla considèrent les deux géants comme des « Titans engagés très tôt dans un affrontement mortel ». Face à la clairvoyance et l’habileté de Churchill, Hitler opposa une incroyable capacité de dissimulation et de résistance.

François Delpla rend son récit vivant dû à son talent à faire « parler » les documents. Dommage qu’aucune bibliographie n’accompagne ce travail sérieux. À lire pour la somme de détails que l’ouvrage contient.  

Sébastien Vincent