Jean Lopez (dir.), La Wehrmacht. La fin d’un mythe, Perrin, 2019 Alliance du crime de masse et d’excellence militaire germanique, la Wehrmacht continue de fasciner les milieux militaires et le grand public. Son historiographie, en français, s’est largement renouvelée ces dernières années. En témoigne le remarquable beau-livre La Wehrmacht. La fin d’un mythe, qui réunit une cinquantaine d’articles fouillés initialement parus dans le magazine Guerres & Histoire, plus quatre textes inédits. On y aborde un thème vaste et complexe : la Wehrmacht au combat. Le propos, ambitieux, s’organise autour de trois parties :
  1. La supériorité militaire allemande : étude d’un mythe
  2. Les opérations militaires de 1939 à 1945 (ex. Dunkerque, Barbarossa, Stalingrad, Koursk et Market Garden, mais passe sous silence le front méditerranéen)
  3. Les armes.
Les auteurs y montrent l’héritage prussien et impérial de la Wehrmacht, lequel « lui a légué, d’une part, une culture militaire originale (la Blitzkrieg en est une illustration), d’autre part, une faiblesse de la pensée opérationnelle et, plus encore, stratégique ». Ils ne s’attardent cependant pas sur les crimes de l’armée allemande. À ce sujet, le lecteur pourra se référer au livre de Wolfram Wette, Les Crimes de la Wehrmacht (Perrin, Tempus, 2013) À la riche iconographie et à la cartographie claire, s’ajoutent une stimulante infographie et une grande variété dans les angles de traitement — interviews d’anciens combattants, synthèses stratégiques, analyses de batailles et de campagnes et examens des matériels de combat. Les passionnés d’histoire militaires se régaleront. Les néophytes trouveront aussi leur compte dans cette « histoire totale » parfaitement digeste. Ce livre démonte nombre d’idées reçues sur l’armée allemande. Il dépasse largement le mythe d’une Wehrmacht « propre et apolitique ». Elle a été l’armée d’Hitler. Celle-ci fut « le serviteur empressé de sa politique de conquête et d’extermination », note l’historien Jean Lopez, maître d’œuvre de l’ouvrage, aussi auteur du très bel ouvrage Infographie de la Seconde Guerre mondiale (Perrin, 2018) et du diptyque Les Mythes de la Seconde Guerre mondiale (Perrin, 2017 – 2018).   Benoît Rondeau, Être soldat de Hitler, Perrin, 2019 « Je jure devant Dieu obéissance inconditionnelle à Adolf Hitler, Führer du Reich et du peuple allemand, commandant en chef de la Wehrmacht, et que je serai toujours prêt, comme un brave soldat, à donner ma vie pour ce serment ». En prononçant ces mots, le soldat allemand s’engageait à une fidélité absolue, devenant du coup « un soldat de Hitler », écrit l’historien Benoît Rondeau dans cette passionnante synthèse inédite en français. De la formation au combat, de la caserne au front, Rondeau traite de la guerre sur terre, sur mer et dans les airs du point de vue du soldat allemand, ainsi que des conditions matérielles, de la vie quotidienne et des conditions de combat sur les différentes théâtres d’opérations. Le tableau est saisissant. L’auteur de Invasion! Le Débarquement vécu par les Allemands (Tallandier, 2014) aborde aussi, et c’est passionnant, les rapports entre les soldats de Hitler et les civils, de même que les crimes commis au front et à l’arrière par la Wehrmacht et la Waffen-SS. L’ouvrage se termine sur « la postérité d’une armée controversée ». L’historien y traite notamment du mythe de l’excellence de la Wehrmacht et de la représentation du soldat allemand dans les manuels scolaires. Ce livre exhaustif et documenté nous immerge dans la guerre vécue au jour le jour, à ras du sol, par les soldats de la Wehrmacht (Heer, Luftwaffe et Kriegsmarine) et par ceux de la Waffen SS. Il montre que l’expérience de la guerre différa bien sûr largement selon les théâtres d’opérations, les grades et les unités, tout comme il aborde la question de la nazification de l’armée allemande, comme l’avait fait de magistrale façon Jean-Luc Leleu dans La Waffen-SS. Soldats politiques en guerre (Perrin, 2007).   Antony Beevor, Stalingrad, nouvelle édition, Calmann-Lévy, 2019 La bataille de Stalingrad (juillet 1942 – février 1943) opposa l’armée allemande aux forces soviétiques. « Elle symbolisa le duel paroxystique que se livrèrent à distance Staline et Hitler alors que leurs armées s’affrontaient dans un mouchoir de poche au cœur d’une ville industrielle bordant la Volga. Stalingrad atteignit d’une certaine manière l’apogée de la violence armée absolue avec le déchaînement sans limites d’appareils militaires, dont les forces étaient décuplées par les effets de l’industrialisation et nourries par des nationalismes exacerbés et des idéologies totalitaires », écrit Arnaud Blin dans Les Batailles qui ont changé l’Histoire (Perrin, Tempus, 2016). L’historien britannique Antony Beevor, auteur notamment Arnhem, la dernière victoire allemande (Calmann-Lévy, 2018) et Ardennes 1944, le va-tout de Hitler (Calmann-Lévy, 2015) n’est plus à présenter. Auteur de best-sellers historiques, il sait raconter de rigoureuse et de vivante manière les grandes batailles de la Seconde Guerre mondiale, en se fondant, entre autres, sur des archives soviétiques nouvellement accessibles. Initialement paru en anglais en 1998 à Londres (Viking Press), son désormais classique Stalingrad offre une formidable et saisissante description de cette bataille titanesque. À l’occasion du 20e anniversaire de sa parution en français, les éditions Calmann-Lévy en proposent une nouvelle édition. On y découvre, ça et là, des ajouts et des corrections apportées par l’auteur, ainsi qu’un avant-propos inédit, écrit spécialement pour la réédition française. Beevor y livre des anecdotes concernant, entre autres, ses recherches dans les archives russes inaccessibles avant la Perestroïka. Beevor conclut son avant-propos en ces termes : « L’importance de Stalingrad ne se limite pas à sa valeur symbolique comme monument à la gloire de l’héroïsme soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce fut aussi, le tournant psychologique de la guerre. La nouvelle de la reddition de Paulus fit le tour du monde en un temps record et persuada les gens, enfin, que Hitler ne pouvait pas gagner la guerre. » (Re) lire ce Stalingrad constitue une expérience douloureuse, tant la violence y est omniprésente. C’est plonger dans ce que fut l’enfer sur Terre.   Voyez deux autres suggestions de lecture portant sur le même sujet.
Sébastien Vincent