Par Sébastien Vincent

Texte initialement paru dans Histomag’44.Le magazine de la Seconde Guerre mondiale, no 65 (mai-juin 2010), p. 60-67. Reproduit avec la permission de l’éditeur.

Les chiffres entre parenthèses renvoient aux notes placées en fin de texte.

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Le 70e anniversaire de la chute de la France sera à peine souligné au Québec. Pourtant, les événements survenus en mai et juin 1940 ont eu un impact important au Québec et au Canada.
 
Quelle a été l’implication des Canadiens dans les opérations menées en France en mai et juin? Quel impact la défaite française a-t-elle eu sur la conduite du gouvernement canadien, sur l’opinion publique canadienne française et, fait inattendu, sur le monde de l’édition québécoise? C’est à ces questions que tente de répondre cet article(1).
 
Du côté militaire, on verra que les Canadiens stationnés en Angleterre ont essentiellement assuré la défense de l’île durant ces mois tragiques. Ils n’ont pas participé à l’évacuation de Dunkerque et leur passage en sol français s’est limité à une cinquantaine d’heures du côté de Brest, entre le 12 et le 14 juin.
 
On montrera ensuite que le désastre de Dunkerque et la défaite de la France ont conduit le gouvernement canadien à adopter en accéléré une série de mesures plaçant le pays en état de guerre. La première de ces mesures concerna la mobilisation des hommes pour le service de défense du territoire canadien.
 
Enfin, on soulignera que la chute de la France a eu un écho important dans les journaux et l’opinion publique des Canadiens français(2) et qu’elle a eu une conséquence inattendue pour les éditeurs du Québec. Ces derniers furent en effet appelés à prendre le relai de leurs homologues français qui ont dû composer avec les restrictions imposées par l’occupant allemand jusqu’à la libération.
 
Le rôle défensif de l’Armée canadienne en Angleterre jusqu’en mai 1940
 
Les mois qui précèdent la chute de la France voient des milliers de Canadiens se rendre en Grande-Bretagne. De fait, trois convois mènent quelque 23 000 hommes tous grades confondus, entre le 17 décembre 1939 et le 7 février 1940(3).
 
Ces hommes relèvent de quelques éléments d’artillerie, mais surtout de la 1re division canadienne formée par le Royal Canadian Regiment, le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry et le 22e Régiment, une unité provenant du Québec. La 1re division constitue le pivot de la défense des îles britanniques. Le lieutenant-général Andrew G.L. McNaughton (1887-1966) la commande. Bien que ses états de service en 1914-1918 aient été excellents, il n’a jamais dirigé une grande unité. Il parait davantage enclin à soigner son image publique qu’à se mettre au fait des méthodes de combat modernes(4).
 
Andrew George Latta McNaughton, diplômé de l’Université McGill à Montréal en génie électrique, fut nommé, en août 1945, président de la section canadienne de la commission permanente mixte de défense du Canada et des États-Unis. En 1946, il a été nommé représentant canadien à la commission d’énergie atomique de l’ONU. Il présida également la commission de contrôle de l’énergie atomique du Canada. Il a aussi été membre du cabinet canadien et Ministre de la défense. Il est ici photographié en 1939.
© Archives nationales du Canada
 
Les troupes canadiennes résident à Aldershot, un grand centre militaire du Hampshire situé à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de Londres. Tout au long du rigoureux l’hiver de 1939-1940, les hommes poursuivent tant bien que mal leur instruction dans l’attente de joindre le corps expéditionnaire britannique déployé à la frontière franco-belge.
 
Plusieurs facteurs minent le moral : les carences et les défaillances de l’entrainement et de l’équipement militaire vétuste, le climat froid et humide, la diète frugale, l’influenza et le calme absolu de la « drôle de guerre ». Le sentiment de perdre leur temps en Angleterre gagne l’esprit des militaires. Les relations avec les civils britanniques vivant dans la région d’Aldershot se détériorent(5).

Les événements se précipitent à compter d’avril 1940. Après avoir conquis la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, la Wehrmacht atteint la Manche le 21 mai. Elle emprunte ensuite le nord, menaçant de couper les communications du corps expéditionnaire britannique qui s’apprête à se replier vers Dunkerque pour tenter de sauver ce qui peut l’être.

Le 23 mai, le War Office britannique fait appel à la 1re division canadienne. Celle-ci constitue l’une des quelques unités soi-disant formées et approximativement équipées se trouvant encore en Angleterre. Il informe McNaughton qu’il souhaite lui confier le commandement d’un corps de troupe afin de rétablir les communications entre le corps expéditionnaire britannique et les ports de Boulogne et de Calais. Le soir, McNaughton quitte Douvres à bord d’un contre-torpilleur anglais pour se rendre en reconnaissance dans la zone de Calais et de Dunkerque.

Le même jour, la 1re brigade d’infanterie canadienne, commandée par le brigadier Armand A. Smith, et le 3e régiment d’artillerie de campagne commencent à se déplacer vers Douvres pour l’embarquement. L’ordre ne viendra pas. Devant l’avance allemande et la situation générale chaotique qui prévôt dans la région, McNaughton juge inutile pour l’instant de lancer de nouvelles troupes en sol français. Celles en place ont besoin d’organisation plutôt que de renfort, estime-t-il et, de toute évidence, « les renforts canadiens ne pourraient guère changer la situation à Dunkerque »(6). Sur ce point, McNaughton ne peut être blâmé. Sa décision a eu pour effet de sauver sa division de la catastrophe.
 
La 1re brigade d’infanterie canadienne revient à Aldershot sans avoir été déployée. Suivent trois autres propositions d’envois dans les jours suivants. Elles sont toutes rejetées après examen de la situation. Bien que les Canadiens soient de nouveau mis en état d’alerte, aucun d’entre eux ne part pour Dunkerque(7). C’est ainsi, après de longues discussions que le projet d’envoyer des hommes à Dunkerque sous le nom de code « Angel Move » est définitivement abandonné(8).
 
La Grande-Bretagne court un grave danger d’invasion. Le 29 mai, la 1re division canadienne et ses troupes auxiliaires se rendent dans la région de Northampton. Elle occupe cette position centrale durant toute la « semaine de Dunkerque ». Elle forme dorénavant un corps autonome désigné sous le nom d’ « Armée canadienne » qui constitue, selon McNaughton, une « réserve hautement mobile, souple et efficace » parée à marcher contre l’envahisseur potentiel de l’Angleterre(9).
 
Les troupes canadiennes en France en juin 1940
 
Les Allemands arrivent à Dunkerque le 4 juin. Ils se gardent d’attaquer la Grande-Bretagne, car l’ennemi demeure la France. La 1re division blindée et la 51e division constituent les seules unités britanniques restées sur le continent européen, malgré l’avance allemande. Pour les appuyer et les soutenir, le gouvernement britannique envoie toutes les divisions en état de partir, c’est-à-dire la 52e et la 1re division canadienne. Les troupes doivent exécuter un plan désespéré : tenir une « redoute » anglo-française dans la péninsule bretonne.
 
Les 12, 13 et surtout 14 juin, la 1re brigade d’infanterie canadienne, des unités auxiliaires et une partie de l’artillerie débarquent à Brest. La 1re brigade d’infanterie opère une brève incursion jusque dans la région du Mans avec pour objectif général de menacer le flanc de toute progression allemande vers le sud-ouest. Ce plan à peine esquissé est vite abandonné à cause du manque de troupes pour le mettre en œuvre et du fait que les ordres s’avèrent difficiles à transmettre et à exécuter dans un contexte de débâcle et de dissolution du gouvernement français(10).
 
Étant donné l’impossibilité de tenir en Bretagne, il est décidé de ne plus envoyer de troupes en France et que soient rappelées celles qui s’y trouvent. Le 14 juin, jour de la chute de Paris, les Canadiens reçoivent l’ordre de retraiter après avoir passé une cinquantaine d’heures seulement en sol français. Ils se retrouvent à nouveau à Aldershot, sans avoir rencontré l’ennemi. Au cours de cette brève incursion en France, les pertes canadiennes s’élèvent à six hommes.
 
« Pour l’Armée canadienne en général, la chute de la France est vécue comme une sorte de tragi-comédie, car, heureusement, les Canadiens vivent la tourmente en spectateurs. La défaite a été si soudaine que les unités de la 1re division n’ont pas eu l’occasion d’être engagées pour colmater les brèches causées par les assauts allemands. Mais le grand état-major britannique l’avait envisagé »(11). Toute l’armée de campagne canadienne se trouve réunie à Aldershot pour se préparer à une autre bataille, à venir peut-être, celle qui suivrait une éventuelle invasion de l’Angleterre.
 
La réaction du gouvernement canadien face à la défaite de la France
 
Le parti libéral mené par William Lyon Mackenzie King (1874-1950) remporte les élections fédérales du 26 mars 1940 dont le thème principal porte essentiellement sur la conscription, surtout dans la province du Québec. Le fait que 64 sièges ont été gagnés au Québec lors de cette élection nationale sur une possibilité de 65 peut être interprété comme un vote de gratitude de la population envers les dirigeants fédéraux pour leur promesse de ne pas avoir recours à la conscription pour le service outre-mer.
 
William Lyon Mackenzie King fut le dixième premier ministre du Canada du 29 décembre 1921 au 28 juin 1926, du 25 septembre 1926 au 7 août 1930, et du 23 octobre 1935 au 15 novembre 1948. Totalisant plus de 21 ans, King fut celui qui occupa le plus longtemps le poste de premier ministre dans l’histoire du Commonwealth. On se souvient de sa phrase célèbre : « La conscription si nécessaire, mais pas nécessairement la conscription. « 
© Archives nationales du Canada
 
Dans la foulée de la défaite de la France et de la retraite britannique de Dunkerque (Opération Dynamo), le gouvernement canadien adopte une série de mesures plaçant le Canada en état de guerre. La première de ces mesures concerne la mobilisation dont la mise en place est totalement chambardée à la suite des victoires allemandes en Europe de l’Ouest. Le 23 mai, on annonce la décision de créer un corps qui sera connu sous le nom de « Garde territoriale d’anciens combattants ». Celle-ci consistera, au début, en 12 compagnies chargées de la protection des propriétés militaires en sol canadien.
 
Le 14 juin, jour de l’entrée des Allemands dans Paris, King assure son homologue français Paul Reynaud (1868-1956) de l’appui du Canada. Pendant ce temps, le ministre canadien des transports, Clarence Decatur Howe (1886-1960) fait approuver en première lecture un projet de loi accordant au gouvernement fédéral des pouvoirs quasi discrétionnaires lui permettant de mobiliser le commerce et l’industrie du Canada aux fins de la guerre.
 
King annonce le 18 juin, jour du célèbre Appel du général de Gaulle à la BBC, une accélération du processus de mobilisation générale : au lieu de l’activation progressive d’unités de milice, les deux divisions d’infanterie devront être recrutées immédiatement. Il autorisera finalement la formation de cinq divisions dans l’armée. Les mois de mai et juin marquent ainsi un tournant vers la mobilisation totale de la population canadienne. Les bataillons d’infanterie de ces deux divisions comblent leurs effectifs dès l’été 1940 (6909 recrues dans l’Armée de terre en mai, 29 319 en juin et 29 171 en juillet)(12).
 
Dans le cadre de la Loi sur la mobilisation des ressources nationales (LMRN) promulguée le 21 juin, soit une semaine exactement après la chute de Paris, le gouvernement canadien introduit une forme atténuée de service militaire obligatoire limité afin d’assurer la défense du pays et de préparer des renforts. Ce service prévoit l’inscription imposée des hommes de 16 à 45 ans, les 19, 20 et 21 août, dont les plus jeunes seront appelés à suivre un entrainement d’un mois(13).
 
L’ensemble des recrues forme une armée de réserve « existant indépendamment du reste de l’armée pouvant combattre (dite armée d’active). La loi stipule que ces hommes ne peuvent être contraints à servir outre-mer, clause restrictive destinée à préserver l’unité politique canadienne à laquelle le premier ministre King se montre bien plus sensible que Robert Laird Borden ne l’a été en 1917(14). Si King souhaite à tout prix éviter une crise politique intérieure [entre francophones et anglophones] comme celle qu’a traversé le pays vers la fin de la Grande Guerre, les autorités militaires espèrent, quant à elle, que les plus jeunes et les plus aptes se porteront volontaires pour l’armée d’active »(15).
 
C’est la conscription tant appréhendée par une large part des Canadiens français, notamment ceux du Québec. Selon le premier ministre canadien, la situation européenne impose une telle décision : « La vérité brutale, c’est que la défaite de la France a beaucoup rapproché le Canada de la guerre. Les îles britanniques sont menacées d’une invasion; ce n’est pas une lointaine possibilité, mais un péril imminent. Il est aujourd’hui tout à fait manifeste que de nouvelles mesures, tant pour l’aide à la Grande-Bretagne que pour la défense du Canada, sont nécessaires »(16). Cependant, King insiste : le service outre-mer demeure et demeurera l’apanage des volontaires.
 
Seuls quelques nationalistes canadiens-français expriment des doutes à l’égard de la mesure proposée par King, sinon une désapprobation totale. Le 20 juin, le journal Le Devoir soutient que la mobilisation nationale renie la promesse faite par les politiciens canadiens-français en poste dans le gouvernement fédéral de King d’une participation libre, volontaire et modérée. On rencontre peu d’écho semblable dans la presse provinciale.
 
Dans l’ensemble, la population québécoise ne demande qu’à croire et faire confiance à ses dirigeants, si bien que la mobilisation pour la défense du territoire du Canada remporte un net assentiment dans l’opinion publique du Canada français et chez la plupart des chefs politiques et religieux du Québec(17). À preuve, le quotidien montréalais La Presse déclare le 6 août que la loi a été élaborée par une autorité compétente à laquelle tous les Canadiens se doivent d’obéir.
 
Autre preuve de l’appui du Canada français à la mobilisation des ressources nationales et à la conscription pour la défense du Canada : le rejet la proposition anti-mobilisation présentée par le député provincial ultranationaliste René Chaloult (1901-1978) à l’Assemblée nationale du Québec. Chaloult soutient que sa motion représente l’opinion de la vaste majorité des Canadiens français à savoir leur crainte que la mobilisation serve à exercer des pressions pour que les conscrits soient éventuellement contraints de combattre outre-mer. Après de houleux débats, la motion Chaloult est massivement rejetée le 19 juin par 56 voix contre 13.
 
Élément additionnel attestant du soutien du Canada français envers la conscription pour la défense du Canada : la réaction négative du Québec au conseil donné le 2 août par Camilien Houde (1889-1958). Le bouillant maire de Montréal recommande alors à ces concitoyens de ne pas se soustraire à l’enregistrement obligatoire de crainte qu’on envoie les conscrits combattre outre-mer contre leur gré. Au Québec, très peu de gens prennent la défense du politicien populiste. Le Devoir fait remarquer le 7 août que le maire a le droit d’en appeler de son emprisonnement par les autorités canadiennes pour avoir conseillé à ses concitoyens de refuser de se soumettre à l’inscription nationale, mais ajoute que Houde s’est conduit en parfait imbécile et mérite parfaitement son sort. La Presse résume bien le débat en affirmant que le peuple canadien-français, qui est très respectueux de la loi et de l’ordre public, a profondément été choqué par le fait que le maire Houde ait défié ouvertement la loi. Bref, le désaveu de la conduite du maire de Montréal et l’assentiment général donné à son internement prouvent « que le Québec était prêt et disposé à accepter la mesure de la conscription, que le gouvernement, au courant de l’opinion publique canadienne-française a sagement limité à la défense nationale »(18).
 
On peut dire, sans risquer de se tromper que, du point de vue canadien, la défaite de la France, le désastre de Dunkerque et l’entrée en guerre de l’Italie aux côtés de l’Allemagne le 10 juin confèrent un air de catastrophe au conflit. Une fois imposé le service militaire obligatoire pour la défense du Canada, l’effort de guerre s’intensifiera pendant les mois et les années suivantes. On construit de nouvelles usines, on agrandit les anciennes, les contrats d’armement se multiplient, ainsi que les dons en argent et en vivres à la Grande-Bretagne. Par contre, le service outre-mer demeure volontaire jusqu’au 23 novembre 1944 (19). On comprend donc que, historiquement, l’expérience de l’engagé volontaire a été largement plus répandue au Canada que celle du conscrit.
 
On ne saura jamais précisément le nombre exact d’engagés volontaires canadiens-français ce qui inclut les Québécois d’expression française, mais aussi les Acadiens, les Franco-Ontariens et les francophones de l’Ouest canadien. En effet, les statistiques militaires de l’époque ne croisent pas la langue maternelle et le statut à l’enrôlement. Le gouvernement canadien a évité, pour des motifs politiques, de rendre cette situation transparente. Une difficulté supplémentaire se présente lorsqu’on tente d’estimer le nombre de volontaires canadiens-français : l’orthographe du nom de famille peut être trompeur, car un dénommé Johnson, par exemple, peut être francophone ou anglophone. Il est cependant admis que le Régiment de Maisonneuve (Montréal) a été l’un des premières unités au Canada, sinon la première, à compléter les cadres de son premier bataillon, et ce dès le 29 septembre 1939.
En 1880, le Régiment de Maisonneuve est formé à La Prairie, au Québec, sous le nom du 85ième Bataillon d’Infanterie. En 1920, il devient le Régiment de Maisonneuve rappelant ainsi le nom du fondateur de Montréal, Paul Chomedy, Sieur de Maisonneuve. Au fil des ans, une relation particulière s’est établie avec la Ville de Montréal. L’unité a combattu lors de la campagne de libération de l’Europe de l’ouest.
 
Malgré ces difficultés, il demeure possible d’estimer ce nombre à environ 131 000. Au terme du conflit, près de 94 000 Canadiens français dont 55 000 du Québec s’étaient portés volontaires dans l’Armée de terre (infanterie et artillerie)(20). Environ 13 000 matelots et officiers canadiens-français ont servi dans la Marine royale canadienne (MRC), unilingue anglaise, formant environ 13 % de son effectif total pour le conflit. Sur les 222 501 hommes enrôlés dans l’Aviation royale canadienne (ARC), environ 25 000 officiers et aviateurs étaient francophones, formant 11.13 % de l’effectif. Enfin, le pourcentage des généraux et officiers supérieurs francophones (lieutenant-colonel et plus) de l’armée de terre s’élevait tout au plus à 8.1 % au moment de la démobilisation, soit la proportion enregistrée dans la Milice avant la guerre.
 
En résumé, la participation canadienne-française au conflit a certainement été plus importante que lors de la Grande Guerre. Les Canadiens français ont servi dans un nombre de bataillons plus élevé que durant le conflit précédent, mais « bien que le recrutement des Canadiens français hors Québec ait été, grosso modo, égal à celui des Canadiens anglais et que la population canadienne [environ onze millions et demi de personnes] ait compté quelque 30 % de francophones, on ne compta que 19 % de militaires de langue française »(21). Par ailleurs, les francophones n’ont que rarement occupé de hautes fonctions militaires au sein d’une armée anglophone et anglicisante(22).
 
La défaite de la France dans les journaux et l’opinion publique canadienne-française
 
Depuis l’entrée en guerre du Canada, le 10 septembre 1939, les Canadiens acceptent la participation nationale au conflit avec confiance en la promesse de leur chef que l’effort de guerre demeurerait libre, volontaire et modéré. Seuls les nationalistes canadiens-français les plus radicaux jugent que le pays participe à un conflit « impérialiste », « européen » -et particulièrement britannique. Dès le 10 mai 1940, les Canadiens, toute langue confondue, perçoivent l’imminence de la catastrophe. D’aucuns estiment que la chute de la France entrainera celle de la Grande-Bretagne, puis la possible invasion du continent nord-américain.
 
En mai et juin, la presse canadienne-française parait dans un premier temps peu encline à annoncer le désastre. Puis, elle peine à en préparer l’annonce due à la soudaineté des événements : « Plutôt que d’expliquer, elle cherche des boucs-émissaires, gomme certaines difficultés présentes et à venir, puis s’autocensure avant d’être soumise à une censure gouvernementale aux fins de soutenir l’effort de guerre. Tout cela en moins de six semaines »(23).
 
Lors des premiers jours de mai, la couverture médiatique se limite aux faits relatés par les grandes agences de presse, les correspondants n’ayant pas encore eu le temps de se déployer. Les quotidiens du 16 au 18 mai reconnaissent la percée allemande et les lecteurs peuvent comprendre que la bataille décisive se déroule non pas en Belgique comme le souhaitaient les Alliés, mais sur la Meuse. Le 21, le journal Le Devoir reproduit le discours du président du conseil français Paul Reynaud, qui proclame que la France se trouve en danger.
 
Dès que les nouvelles deviennent mauvaises, la censure commence à peser plus lourdement sur la presse. L’imminence de la défaite fait en sorte que les informations sur les combats filtrent plus difficilement. Avec la capitulation de la Belgique, l’annonce de l’évacuation de Dunkerque et le fait que l’Italie rejoint l’Allemagne le 10 juin, la psychose de la cinquième colonne atteint son paroxysme au Canada.
 
Le 21 mai, à la Chambre des Communes d’Ottawa, un député présente un projet de loi visant à déclarer illégaux le communisme et le nazisme. Deux jours plus tard, le premier ministre King confie à son journal personnel que la folie de la cinquième colonne le gagne de plus en plus. À Montréal, une assemblée publique animée par le journaliste Jean-Charles Harvey de l’hebdomadaire Le Jour dénonce le nazisme. Tôt le matin du 30 mai, la Gendarmerie royale arrête dans les Laurentides un certain Adrien Arcand, surnommé le Führer canadien. Antisémite virulent, nazi et fasciste, Arcand (1899-1967) est le chef historique de l’extrême droite canadienne. Il fonda et dirigea le Parti national socialiste chrétien puis l’Unité nationale, dont les milices arboraient fièrement la croix gammée. Il demeura politiquement actif jusqu’à sa mort(24).
Adrien Arcand, surnommé le Führer canadien. Il a été journaliste au journal La Presse, puis animateur de journaux satiriques d’extrême-droite tel Le Goglu. Il a connu l’écrivain Céline et a tissé des liens avec les milieux politiques fascistes internationaux, notamment dans le monde anglo-saxon. Sir Oswald Mosley et Henry Hamilton Beamish lui servent davantage de référence qu’Hitler ou Mussolini.
 
En France, les derniers évacués quittent Dunkerque dans la nuit du 3 au 4 juin. Dès le 5, Le Devoir s’inquiète des conséquences de la débâcle sur le Canada français, laquelle réveille le spectre tant honni de la conscription. Il explique les raisons de cette terrible et humiliante défaite en cherchant des boucs-émissaires. Le 18 juin, le quotidien montréalais La Presse dont le tirage s’avère plus important que celui du Devoir, reprend une dépêche de l’agence BUP à Bordeaux. Celle-ci offre une première tentative d’explication : la faiblesse de la 9e Armée française commandée par le général Corap, blâmé pour sa lenteur à colmater la brèche ouverte à Sedan, et la supériorité écrasante des Allemands en chars d’assaut. Les deux causes citées témoignent d’une institution militaire vaincue qui refuse l’examen de conscience. « Trouver un bouc-émissaire en Corap permet d’éviter de chercher des causes plus profondes et plus dérangeantes pour l’opinion publique et le moral des troupes : mauvaise répartition des effectifs, confiance naïve que les Allemands allaient reprendre leur plan de 1914, faible niveau d’entrainement des réservistes et des appelés, refus à penser la guerre moderne en trouvant refuge dans une doctrine tactique dépassée et profonde crise morale de la société française »(25).
 
Secoués profondément par la défaite humiliante de leur ancienne patrie, la France, les Canadiens français éprouvent un vif sentiment de sympathie et de chagrin. Ce vaste mouvement est perceptible autant dans la presse provinciale que dans les quotidiens de Montréal et de la ville de Québec. Il est « parfois teinté d’un profond découragement à l’idée de la chute de l’ancienne patrie du Canada français. On décèle aussi quelquefois une note de défaitisme »(26). On note aussi une « certaine tendance à être dégoûté par le délabrement moral de la France… une France corrompue par des espions, des traitres et des lâches »(27). Par contre, nombre de Canadiens français acceptent de suspendre leur jugement et s’indignent de la dure condamnation de la France par certains Canadiens anglais.
 
Ce n’est certainement pas innocemment que les députés libéraux fédéraux Ernest Lapointe et Arthur Cardin, porte-parole du premier ministre canadien King au Québec, choisissent la date du 24 juin, fête de la Saint-Jean-Baptiste, pour s’adresser aux Canadiens français. Leur message radiodiffusé lance un appel en faveur de la mobilisation afin d’inviter les Canadiens français à porter secours à l’ancienne mère patrie. Le propos se veut réconfortant : « L’agonie de la France a porté les horreurs de la guerre jusque dans nos cœurs et presque sur nos rives. Le sort tragique de la France lègue au Canada français le devoir de porter haut les traditions de culture, de civilisation et de passion françaises pour la liberté, dans le monde entier. Cette nouvelle responsabilité, j’en suis sûr, vous l’accepterez avec fierté »(28).
 
Le premier ministre King trouve les mots qui remontent le moral des Canadiens français. Il leur prodigue un sincère encouragement dont « l’un des résultats (et non le moindre) a été d’amener les Canadiens francophones à continuer d’appuyer l’effort de guerre du Dominion »(29). Les Canadiens français craignent cependant que leurs concitoyens anglophones utilisent le revers de la France pour contraindre le Québec à un effort de guerre plus important qu’il l’estime nécessaire ou qu’il est disposé à le faire.
 
Pour des raisons diplomatiques et historiques, l’opinion publique canadienne-française et certains journaux dont Le Devoir et L’Action catholique sont favorables au maréchal Philippe Pétain (1856-1951) dans les semaines qui suivent la défaite. Vichy, grâce au prestige de son chef et au programme de la Révolution nationale qui aspire à un retour vers un ordre traditionnel et corporatiste, séduit une population imprégnée de catholicisme et de conservatisme.
 
Mais dès l’été 1940, à mesure que la France de Vichy se plie aux volontés du conquérant, l’opinion publique canadienne-française montre des signes de partage entre Vichy et la France Libre du général de Gaulle (1870-1990). Des journaux moins dominés par le clergé, comme L’Événement (Québec) manifestent leur approbation pour le mouvement des Français libres animé au Québec par Élisabeth de Miribel (1915-2005), Gabriel Bonneau et Marthe Simard (1901-1993). Une certaine frange de la presse provinciale exprime aussi des sentiments gaullistes. Par exemple, Le Canadien (Lévis) considère, dans un article paru le 12 septembre, que de Gaulle constitue l’incarnation même du courage des Français. L’Écho du Bas-Saint-Laurent estime que le général en exil se bat aux côtés des amis de la France.
 
Le 2 août, Charles de Gaulle lance un appel radiophonique aux Canadiens français dans lequel il dit en substance que l’âme de la France demande leur aide. Ce discours est peu commenté par la presse canadienne-française, signe peut-être que le général a commis « une erreur que de lancer un appel aux Canadiens français comme s’ils étaient des Français d’Amérique… C’est plus la contrainte des événements que tout discours patriotique éloquent qui a amené les Canadiens français à se rendre compte de la véritable situation de la France et à comprendre les rapports du Canada avec le mouvement des Français libres »(30). Avec la complicité des autorités fédérales du Canada qui souhaite voir l’opinion publique rallier la France libre et ainsi donner plus de flexibilité au gouvernement de King, les gaullistes, dont Henri Laugier (1888-1973) et l’habile commandant Thierry d’Argenlieu (1889-1964) parviennent à gagner l’estime de la population canadienne-française.
 
Ombre au tableau : l’arrivée du général Giraud, champion d’un pétainisme respectable et dauphin des Américains divise à nouveau l’opinion publique vers la fin de 1942. Finalement, après l’accord Giraud – de Gaulle de juin 1943 et le triomphe ultime du général de Gaulle, et comme en témoigne l’accueil que lui réserve le Québec en juillet 1944, l’opinion canadienne-française se range définitivement derrière l’homme du 18 juin . On ne peut donc soutenir, contrairement à une idée longuement reçue au Québec, que le Canada français a constitué un bloc réactionnaire strictement conservateur et pétainiste tout au long du conflit.
 
La défaite française et le monde de l’édition au Québec
 
Au début de 1940, les maisons d’édition française fonctionnent au ralenti à cause de la mobilisation d’une partie de leur personnel et de la censure exercée par le commissariat général à l’Information depuis août 1939. L’entrée des Allemands à Paris le 14 juin arrête pratiquement toute activité éditoriale. Dès son arrivée, l’occupant, sous les auspices de deux services différents, s’occupe à régenter l’édition française.
 
Au mois d’août, plus de 143 titres français à caractère politique apparaissent sur la « Liste Bernhard »(32). La « Liste Otto », du nom de l’ambassadeur allemand, Otto Abetz (1903-1958), reconnu pour sa grande francophilie, suivra en octobre. Cette liste, plus exhaustive, comprend des textes jugés antiallemands, des œuvres écrites par des juifs et des livres anticommunistes. Entre-temps, le 28 septembre, est signée entre les éditeurs et l’occupant une « Convention de censure ». Cette dernière permet aux maisons d’édition de publier sous leur propre responsabilité à condition de s’engager à ne pas faire paraître d’ouvrages susceptibles de déplaire aux autorités allemandes. Et ils acceptent de se soumettre, en cas de doute, à la censure allemande(33).
 
En d’autres termes, les éditeurs français sont bâillonnés. Dès juin, les éditeurs québécois sont appelés à prendre la relève de leurs homologues français placés sous la botte allemande. Les Arrêtés en conseil adoptés en septembre et octobre 1939 par le gouvernement canadien permettent aux éditeurs du Québec et du Canada de reproduire les ouvrages parus en territoire ennemi. Cette réglementation s’applique, dès juin 1940, à l’ensemble de la France, sans égards aux zones d’occupation. Dès lors, les éditeurs peuvent réimprimer tous les livres dont ils ont besoin en échange du versement d’une redevance de 10 % au bureau du Séquestre de biens ennemis.
 
Alors que les libraires commencent à réimprimer manuels scolaires et livres pour la jeunesse, les éditeurs montréalais exportent vers les États-Unis et l’Amérique latine. Ces derniers servent de relais entre l’Europe et les États-Unis qui hésitent encore à entrer dans le conflit. Des intellectuels européens choisissent l’exil en Amérique et font paraître leurs témoignages à Montréal et à New York.
 
Quelques maisons d’édition voient le jour dans les mois et les années suivant la chute de la France. Les Éditions de l’Arbre, fondées par Jacques Hurtubise et Robert Charbonneau à l’automne 1940, optent rapidement pour le camp de la France libre et celui de la résistance au fascisme. Les directeurs font de leur maison un pôle du renouveau catholique de l’entre-deux-guerres inspiré par la pensée de Jacques Maritain et d’Emmanuel Mounier. Henri Laugier, médecin, laïque et républicain, envoyé du général de Gaulle en Amérique du Nord, y crée en 1942 la collection « France Forever » consacrée aux sciences humaines et à la médecine.
 
Les Éditions Bernard Valiquette s’intéressent à compter de 1942 aux auteurs exilés en publiant notamment Antoine de Saint-Exupéry, réfugié à New York depuis décembre 1940. Ce dernier se rend à Montréal au printemps 1942, à l’invitation de son éditeur québécois. La maison réimprime aussi des textes d’André Malraux, Julien Green et François Mauriac. Les Éditions Variétés réimpriment à grande échelle pour le marché local et international la littérature française de l’entre-deux-guerres dont les romans de Marcel Proust, Roger Martin du Gard et l’intégralité des œuvres de Georges Duhamel. Elles diffusent aussi des nouveautés parisiennes, dont celles d’André Gide, Jean Giono et Henry de Montherlant. Les éditions Fides, quant à elles, s’intéressent aux essais situant les réalités sociales et économiques de la guerre dans une perspective chrétienne. La révolution nationale du maréchal Pétain trouve des échos dans certains ouvrages. Cinq autres acteurs entrent en scène entre 1944 et 1946 : les éditions Lucien Parizeau, la Société des Éditions Pascal, les Éditions Serge, les Éditions B.D. Simpson et les Éditions Fernard Pilon.
 
Grâce à l’impulsion donnée par ces éditeurs innovateurs et perspicaces, Montréal devient, tout au long du conflit, un incontournable centre de production et de diffusion du livre français et québécois ainsi qu’un pôle d’attraction pour les auteurs antifascistes européens de tous les horizons idéologiques. Mais la fin de la guerre sonne le glas de cette effervescence intellectuelle. L’édition québécoise enregistre un net recul avec le retour de la concurrence européenne, l’augmentation des coûts d’impression, l’effondrement de la demande pour le livre canadien, sa non-réception en France et la lourdeur des inventaires accumulés du temps de la guerre. C’est sans compter sur les véritables « éteignoirs », soit la réintroduction de la censure cléricale et les pressions du gouvernement provincial de l’Union nationale de Maurice Duplessis (1890-1959). Ces facteurs réunis freinent radicalement l’essor de l’édition québécoise : sur les 22 maisons en activité en 1944, sept seulement survivent à la crise .
 
Conclusion
 
La chute de la France a eu un impact considérable au Canada, y compris au Québec, bien que du côté militaire, les Canadiens jouèrent essentiellement un rôle de spectateurs assistant à la débâcle alors qu’ils assuraient la protection des îles britanniques.
Les événements de mai et juin 1940 ont amené le gouvernement canadien de William Lyon Mackenzie King à adopter rapidement des mesures plaçant le pays en état de guerre. On peut avancer que ces événements ont marqué un tournant vers la mobilisation totale de la population canadienne. De fait, dans le cadre de la Loi sur la mobilisation des ressources nationales (LMRN) promulguée le 21 juin, soit une semaine jour pour jour après la chute de Paris, le gouvernement canadien introduisit une forme atténuée de service militaire obligatoire limité à la défense du Canada, laissant volontaire le service outre-mer. Cela étant, plus de 131 000 Canadiens français se portèrent volontaires dans l’infanterie (une majorité d’entre eux), dans l’artillerie, l’aviation et la marine. Ce nombre n’inclut pas les milliers de membres de la marine marchande, cette grande laissée pour compte de l’effort de guerre canadien.
 
Secoués profondément par la défaite humiliante de leur ancienne patrie, la France, les Canadiens français ont éprouvé un réel sentiment de sympathie, de chagrin et, par moments, de défaitisme. Si une certaine frange ultranationaliste de l’opinion publique a penché vers le pétainisme par tradition historique, le vent a cependant basculé vers le mouvement de la France libre dès l’été 1940, si bien qu’on ne peut prétendre que le Canada français, principalement le Québec, fut majoritairement pétainiste pour la durée du conflit.
 
Enfin, l’histoire littéraire québécoise contemporaine commence à peine à mesurer l’impact majeur qu’a eu la chute de la France sur le monde de l’édition au Québec. La mainmise de l’occupant allemand sur les éditeurs français a enclenché un tournant décisif dans l’activité éditoriale au Québec. S’agissant de maintenir la présence et le rayonnement de la culture française sur tout le continent américain, les éditeurs canadiens-français furent appelés à prendre le relai de leurs homologues français. Les années de guerre furent pour eux un moment béni, tant au plan financier qu’intellectuel. Sans contredit, elles posèrent les jalons de ce qui allait devenir, une quinzaine d’années plus tard, le grand mouvement de renouveau que fut la Révolution tranquille!

 

Notes

1. Je remercie l’historien canadien Desmond Morton qui a apporté ses commentaires et précisions au présent article avant sa publication dans Histomag’44.

2. J’emploie le nom « Canadien français » et l’adjectif « canadien-français », utilisés à l’époque de la Seconde Guerre mondiale pour désigner les francophones du Québec et ceux du reste du Canada. Le terme « Québécois » s’étant répandu durant la Révolution tranquille (1960-1966), son emploi s’apparenterait ici à un anachronisme.

3. Ministère de la Défense nationale du Canada, Les Canadiens en Grande-Bretagne (1939-1944), avant-propos du lieutenant-colonel J. C. Murchie, C. B., C. B. E., Ottawa, Imprimeur du Roi, 1946, p. 6-7.

4. Yves Tremblay, Instruire une armée. Les officiers canadiens et la guerre moderne (1919-1944), Outremont, Athéna, 2008, p. 88.

5. Les soldats cherchent à se procurer par tous les moyens de la nourriture et du combustible supplémentaires. Les actes de vandalisme et les vols sont fréquents. Les hommes évacuent souvent leur exaspération, leurs tensions et leur ennui en buvant exagérément. Le grabuge dans les pubs, les querelles entre militaires et entre ces derniers et les civils sont monnaie courante. Avec l’essor de la prostitution mal contrôlée par les autorités policières britanniques en état de sous-effectif, on observe une recrudescence importante des maladies transmises sexuellement, et ce, malgré la distribution généralisée de condoms et de kits de prophylaxie. Pour plus de détails, voir Jeffrey A. Keshen, Saints, Salauds et Soldats. Le Canada et la Deuxième Guerre mondiale, Outremont, Athéna, 2009, p. 330-334.

6. D. J. Goodspeed, Les forces armées du Canada. Un siècle de grandes réalisations (1867-1967), Ottawa, Direction des services historiques, Quartier général des forces canadiennes, 1967, p. 112.

7. Ibid, p. 113.

8. C.P. Stacey, L’Histoire officielle de la participation de l’armée canadienne à la Seconde Guerre mondiale. Vol I. Six années de guerre. L’armée au Canada, en Grande-Bretagne et dans le Pacifique, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1960, p. 279-281.

9. Les Canadiens en Grande-Bretagne, op. cit., p. 12.

10. C. P. Stacey, L’Armée canadienne 1939-1945. Résumé historique officiel, Ottawa, Imprimeur du Roi, 1949, p. 14.

11. Instruire une armée, op. cit., p. 119.

12. Ibid, p. 123.

13. Le service passera à quatre mois en février 1941. L’année suivante, on étend à l’ensemble de l’hémisphère occidental le territoire couvert par cette mesure. Daniel Byers, Mobilizing Canada. The National Resources Mobilization Act, the Department of National Defence, and compulsory military service in Canada (1940-1945), thèse de doctorat, University McGill (Montréal), 2001, p. 28-64.

14. Au cours de la Grande Guerre, le premier ministre canadien Borden engagea le Canada auprès du Commonwealth britannique à fournir 500 000 soldats pour l’effort de guerre. Toutefois, les volontaires se firent rares lorsque les Canadiens se rendirent compte que le conflit allait perdurer. Borden demeura pourtant déterminé à respecter ses engagements : il fit adopter la Loi concernant le service militaire, ce qui mena à la crise de la conscription de 1917. Celle-ci divisa profondément le pays selon les groupes linguistiques : les francophones dirent un « non » catégorique à la conscription alors que les anglophones acceptèrent l’idée. Sur ces événements, voir Elisabeth H. Armstrong, Le Québec et la crise de la conscription (1917-1918), paru en anglais sous le titre The Crisis of Quebec (1914-1918), Montréal, Vlb éditeur, 1998 [c1938].

15. Instruire une armée, op. cit., p. 127.

16. Jacques Lacoursière, Histoire populaire du Québec (1896-1960), Sillery, Septentrion, 1997, p. 267.

17. Jeffrey A. Keshen, Saints, Salauds et Soldats, op. cit., p. 31.

18. « L’opinion des Canadiens français sur la guerre (janvier 1940-juin 1941) », op. cit., p. 69.

19. À ce moment, l’infanterie canadienne subit des pertes importantes en Hollande alors que les volontaires se comptent moins nombreux et peinent à remplir les rangs des unités qui en ont cruellement besoin. Cette « crise des renforts », militaire autant que politique, contraint le premier ministre King à se résoudre à imposer la conscription pour le service outre-mer, ce qu’il s’était toujours refusé de faire afin de préserver l’unité nationale. Le 23 novembre 1944, il autorise la mise à disposition, pour service outre-mer, de 16 000 hommes inscrits sur le registre national en vertu de la loi. Ce nombre correspond au minimum absolu demandé par l’armée. Parmi ces conscrits, on compte environ 2400 militaires originaires du Québec. De ces 16 000 hommes, 12 000 environ traversent en Angleterre, 2463 prennent part au combat, 313 sont blessés, 13 sont faits prisonniers de guerre et 69 meurent sur le champ de bataille. C’est peu, par rapport aux 42 042 pertes canadiennes pour l’ensemble de la guerre.

20. « En octobre 1941, l’enrôlement volontaire atteignait, au Québec, 41.6 % de celui de l’Ontario, alors que la population québécois correspondait à 85 % de sa voisine ontarienne. En outre, la moitié de ces volontaires étaient de langue anglaise. » Jeffrey A. Keshen, Saints, Salauds et Soldats, op. cit., p. 32.

21. Ibid, p. 32.

22. Les trois corps d’armée ne comptaient, au début de la guerre, que 5 % de militaires francophones. Contrairement à son semblable unilingue anglophone, un francophone unilingue ne pouvait réalistement espérer être promu. « Sur plus de 200 métiers pratiqués par des militaires, il ne s’en trouvait, durant la guerre, qu’une dizaine pour lesquels une formation était accessible en français. » Jeffrey A. Keshen, Saints, Salauds et Soldats, op. cit., p. 30.

23. Instruire une armée, op. cit., p. 107.

24. Pour un portrait approfondi de l’homme, lire Jean-François Nadeau, Adrien Arcand. Führer canadien, Montréal, Lux éditeur, 2010.

25. Instruire une armée, op. cit., p. 110.

26. Elizabeth A. Armstrong, « L’opinion des Canadiens français sur la guerre (janvier 1940-juin 1941) » [c1942], dans La presse canadienne et la Deuxième Guerre mondiale, préface de Claude Beauregard, Serge Bernier et Edwige Munn, Ottawa, Service historique du Ministère de la Défense nationale, 1997, p. 60.

27. Ibid, p. 60.

28. Robert Rumilly, Histoire de la province de Québec, tome XXXVIII : La guerre de 39-45 : Ernest Lapointe, Montréal, Fides, 1968, p. 171.

29. « L’opinion des Canadiens français sur la guerre (janvier 1940-juin 1941) », op. cit., p. 61.

30. Ibid, p. 63.

31. Pour une étude approfondie des rapports entre Vichy, La France libre et le Canada français, voir Éric Amyot, Le Québec entre Pétain et De Gaulle. Vichy, La France libre et les Canadiens français (1940-1945), Saint-Laurent, Fides, 1999, 365 p.

32. Henri-Jean Martin et Roger Chartier (dir.) en col. avec Jean-Pierre Vivet et coll., Histoire de l’édition française. Le livre censuré (1900-1950), Paris, Promodis, 1983, p. 225.

33. Ibid, p. 227.

34. Pour un survol du monde de l’édition québécois au cours de la guerre, voir Jacques Michon (dir.), Histoire de l’édition littéraire au Québec au XXe siècle. Le temps des éditeurs (1940-1959), Saint-Laurent, Fides, 1999, p. 23-53.

Sébastien Vincent