Par Pierre Vennat
Texte inédit
Où sont les historiens du politique et du militaire se demande Béatrice Richard en éditorial du numéro d’hiver 2010 du Bulletin d’histoire politique. Elle affirme que, concrètement, les universités francophones tendent à exclure les chercheurs en histoire politique et militaire.
Elle a bien raison et c’est justement pour aider à les trouver et leur fournir une tribune que ce blogue existe.
Mais il y a plus. La majorité des braves chercheurs qui s’intéressent encore à ces disciplines s’attardent davantage au travail de nos troupes en Europe, où elles se sont couvertes de gloire qu’en Afrique et en Asie ou Océanie où un certain nombre des nôtres ont servi.
On parle peu, mais on a tout de même parlé, de la bataille de Hong Kong où un régiment québécois, le Royal Rifles, dont 40% des effectifs étaient francophones, fut complètement anéanti par les Japonais en 1941. Tous ses hommes ont été tués, grièvement blessés ou faits prisonniers, pendant près de quatre ans dans des conditions infectes. Aucun ne s’en réchappa avant Hiroshima.
Mais on ne parle pour ainsi dire jamais de ceux qui se sont battus en Birmanie, derrière les lignes. On oublie la prise de l’île de Kiska par le Régiment de Hull (d’ailleurs commandé par le héros de Dieppe, Dollard Ménard) en plein Sommet de Québec de 1943 réunissant Churchill, Roosevelt et Mackenzie King et donnant au Canada une propagande inespérée à l’époque.
Et on ignore encore davantage que plus de 250 signaleurs canadiens furent dépêchés en Australie en janvier 1945, via la Nouvelle-Guinée et ne furent rapatriés que quelques semaines après la victoire sur les Japonais à l’automne 1945. Ces hommes avaient pour but non seulement de transmettre les communications entre troupes du Commonwealth en Birmanie et celles de MacArthur chassant les Japonais d’île en île, mais encore davantage d’intercepter les messages des Japonais en s’emparant de leurs codes secrets. Leurs services ainsi rendus ont été inestimables pour la victoire alliée dans le Pacifique.
Il reste encore quelques survivants de cette expédition, dont Raymond Cadieux, un lance-caporal à l’époque, qui avait même appris le morse en japonais et qui, à 93 ans, a communiqué avec moi via un bénévole de l’hôpital des vétérans de Sainte-Anne-de-Bellevue, où il réside actuellement.
Déjà, dans les années 80, Cadieux était venu me voir à La Presse pour que je parle de lui et de son groupe qui réclamaient une reconnaissance par le gouvernement canadien. Plus d’un quart de siècle plus tard, le dossier n’est pas réglé et personne ne se soucie d’eux, en tout cas au Québec où à peu près personne ne connaît même leur existence et la mission qu’ils ont remplie.
Cadieux, comme tous ses camarades de quelque grade qu’ils soient, est victime d’une injustice. En effet, étant donné qu’il n’a pas combattu ni a été victime de bombardement, il n’a pas le droit à l’Étoile du Pacifique, réservée aux seuls combattants. Pourtant, ils sont allés à l’autre bout du monde pendant près d’un an. Et surtout, ils ont rendu la victoire alliée possible. Pour eux, cette médaille constituerait une forme de reconnaissance par le gouvernement canadien soulignant l’importance de leur rôle dans le conflit. Une question de fierté, que je considère bien légitime.
Raymond Georges Cadieux, photographié en Australie en train de déchiffrer les messages des Japonais au printemps 1945.
source: site du 1st Canadian Special Wireless Group.
Lien vers un site australien traitant des signaleurs
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