ANNIE MATHIEU
Le Soleil

(Québec) Symbole unique de la contribution canadienne à l’effort de la Seconde Guerre mondiale, le Flambeau de la victoire, qui a paradé dans près d’une trentaine de villes, dont Québec, avant d’être remis à Winston Churchill, a été retrouvé l’an dernier en Angleterre par le Musée naval de Québec dans… une chambre à fournaises.

Il ne s’agit cependant pas de n’importe quelle chambre à fournaises puisque l’objet d’une très grande valeur historique se trouvait dans celle du manoir de Chartwell appartenant à l’ancien premier ministre britannique. Son histoire rocambolesque sera racontée cet été au Musée naval de Québec qui accueillera en primeur le Flambeau de la victoire alors qu’il traversera l’Atlantique pour la première fois depuis 1941. 

L’épopée débute lorsque le Musée naval de Québec décide en 2014 de remettre à neuf un yacht de luxe datant de 1939 qui a transporté des dignitaires lors des conférences de Québec, le Jeffy Jan II. En fouillant les documents entourant l’histoire de l’embarcation, le directeur du Musée naval, André Kirouac, découvre que celui-ci a transporté le Flambeau de la victoire. Intrigué par l’objet, il cherche à en savoir plus à son sujet. 

Mais les sources d’informations se font rares et rapidement, il se rend compte que personne ne sait où se trouve la sculpture de bois mesurant plus de cinq pieds et demi et plaqué de feuilles d’or. Pourtant, le flambeau a servi pendant deux mois, soit en mai et juin 1941, à lever des fonds auprès des Canadiens pour qu’ils contribuent à l’effort de guerre, et ce, par l’intermédiaire de Bons de la Victoire. 

Il a été paradé dans 28 villes d’un bout à l’autre du pays avant d’être transporté en Angleterre pour être remis à Winston Churchill, le 1er juillet de la même année, avec le butin amassé lors de la campagne. Alors que l’objectif avait été fixé à 600 millions $, c’est finalement  836 millions $ qui ont été récoltés par les Canadiens.  

Le Flambeau de la victoire est accompagné d’un parchemin où l’on retrouve la signature des maires de toutes les villes où il a séjourné ainsi que celles des dirigeants des provinces et du Canada. Pour la petite histoire, Lucien Borne, premier magistrat de la Ville de Québec où s’est arrêté le Flambeau le 13 juin 1941, a signé le manuscrit dans l’espace réservé au premier ministre du Nouveau-Brunswick.

Le Flambeau de la victoire a servi à recueillir des fonds auprès des Canadiens de mai à juin 1941. Il a été paradé dans 28 villes, dont Québec, avant d’être transporté en Angleterre pour être remis à Winston Churchill.
THE WILLIAM READY DIVISION OF ARCHIVES AND RESEARCH COLLECTIONS, MCMASTER UNIVERSITY LIBRARY

Une bouteille à la mer 

Après avoir épuisé tous ses recours, l’historien du Musée publie sans grand espoir un appel à tous sur un groupe de discussion en ligne portant sur Winston Churchill. Une de ses contributions répond qu’il ne vaut plus la peine de chercher, il sait où se trouve l’artéfact : dans la chambre à fournaises du manoir de Chartwell! Le Musée s’empresse d’entrer en communication avec le personnel de l’endroit qui confirme qu’effectivement, le Flambeau s’y trouve et qu’il est remisé dans la même boîte en bois qu’en 1941. Le parchemin s’y trouve également.

«Depuis, le Flambeau est devenu un objet extrêmement précieux», explique M. Kirouac qui a eu de longues tractations avec le personnel de Chartwell pour le faire venir à Québec. La réponse positive arrive à la fin mai 2016 pour une arrivée début juin 2017. Un conservateur fera le voyage et s’assurera, une fois rendu à destination, que le Musée naval de Québec l’expose selon les règles de l’art. 

À l’occasion du 150e anniversaire de la confédération et du Rendez-vous 2017 où le Vieux-Port sera pris d’assaut par les amateurs de voiliers, André Kirouac se dit certain que le Flambeau attirera nombre de curieux dans son musée. Et aucune chance que ce soit du déjà-vu pour un visiteur à moins que celui-ci ait vu l’objet symbolique il y a 76 ans lorsqu’il était de passage à Québec pour la première fois.

Les recherches menées par le directeur du Musée naval, André Kirouac ont permis de redécouvrir le Flambeau de la victoire en Angleterre.
FOURNIE PAR LE MUSÉE NAVAL DE QUÉBEC

Un passage remarqué

«Le flambeau symbolique qui sera envoyé en Angleterre pour caractériser le désir du peuple canadien d’aider à la victoire des peuples libres sur les barbares, est arrivé à Québec hier après-midi.»

C’est ainsi que débute l’article du Soleil datant du 14 juin 1941, soit au lendemain du passage de Flambeau de la Victoire dans la Capitale-nationale. L’avion de la R.C.A.F. le transportant a amerri à 15h30 en face de Québec, précise-t-on.

Le papier fait état de «milliers de soldats» et de «milliers d’enfants» qui se sont déplacés sur les plaines d’Abraham pour accueillir l’objet qui sera remis à Winston Churchill pour «marquer la détermination du Canada de poursuivre la lutte jusqu’au bout». 

Après son passage sur les Plaines, le flambeau et son cortège se sont rendus à l’hôtel de ville de Québec pour une cérémonie officielle. «La torche symbolique» fut présentée au maire Lucien Borne devant le «monument Hébert». Le tout a été suivi d’une grande réception qui s’est déroulée au Château Frontenac et à laquelle ont participé «plusieurs personnalités du monde religieux et politique», explique l’article consacré à l’événement. Le premier ministre de la province, Adélard Godbout, a notamment prononcé un discours.   

Le flambeau est resté trois jours dans la province. En plus de Québec, il a été présenté aux populations des villes de Mont­réal, Trois-Rivières et Sherbrooke.

La manchette de l’édition du 14 juin 1941 du Soleil fait état du passage de la «torche symbolique» à Québec.
ARCHIVES LE SOLEIL

 
À lire également sur notre site :

Samuel Venière (28 octobre 2016), Charles « Chubby » Gavan Power, un véritable cursus honorum québécois