Texte inédit

Certes, il avait été question du génocide au procès de Nuremberg qui s’est institué le 20 novembre 1945, particulièrement lors des témoignages d’Otto Ohlendorf et de Dieter Wisliceny obtenus à partir du 3 janvier 1946. Ce dernier, au côté du colonel Adolf Eichmann, fit toute sa carrière au SD, le service de sécurité de la SS. Il évoqua pour la première fois le rôle d’Eichmann à la tête de la section IVB du RSHA, l’Office central de sécurité du Reich en charge notamment des « questions juives ». Par ailleurs, le 15 avril 1946, Rudolf Höss, le commandant d’Auschwitz, a décrit de façon détaillée les opérations de gazage et de réduction des corps en cendres.
Les survivants ont aussi fait œuvre de témoignages aussitôt la guerre terminée. À l’instar de la première édition de Si c’est un homme de Primo Levi parue en 1947, ils n’ont guère été lus ou entendus dans l’immédiat après-guerre. Ce n’est pourtant pas à cause d’un manque : entre 1944 et 1948, la Commission centrale d’histoire juive en Pologne a amassé pas moins de 7300 témoignages, rappelle Wieviorka.
À la fin des années 1950, ils étaient si nombreux qu’il devint difficile de les répertorier. En Israël, où plus de 350 000 survivants vivaient en 1949, soit un Israélien sur trois, « l’Holocauste est partout et nulle part dans le pays », note le poète, journaliste, traducteur et cinéaste juif israélien Haim Gouri (1923 – ). Tom Segev écrit dans Le Septième million. Les Israéliens et le génocide (Liana Levi, 1993) : « Moins on parlait du génocide, mieux on se portait. Ainsi prit place le grand silence ».
En 1938, après l’Anschluss, Eichmann fut envoyé en Autriche pour organiser les forces de sécurité SS à Vienne. Pour cette action, il reçut le grade de SS-Obersturmführer, puis il fut désigné pour former le bureau central pour l’émigration juive chargé de déporter et d’expulser les Juifs d’Autriche. En décembre 1939, il fut désigné à la tête de la section du RSHA qui s’occupait des affaires juives et de l’évacuation. En août 1940, il publia le Reichssicherheitshauptamt : Madagaskar Projekt (Plan Madagascar) qui prévoyait la déportation de quatre millions de Juifs d’Allemagne, de ses pays alliés et de ses territoires conquis à Madagascar. Un an plus tard, il fut nommé Obersturmbannführer.En 1942, Eichmann prit part à la conférence de Wannsee où la Solution finale fut discutée. En tant qu’«administrateur du transport», il prit la charge des trains menant les Juifs aux camps de la mort en Pologne. Au cours des deux années suivantes, Eichmann assuma son rôle avec zèle et déclara qu’il rirait « en sautant dans sa tombe, car j’ai le sentiment d’avoir tué cinq millions de Juifs. Voilà qui me donne beaucoup de satisfaction et de plaisir ».
La traque d’Eichmann
Eichmann aura passé quinze années de sa vie évanoui dans la nature avant d’être arrêté dans la capitale argentine. Neal Bascomb, journaliste au New York Times, revient dans un livre passionnant sur les circonstances ayant mené à son arrestation par une jeune équipe de huit hommes du Mossad, presque tous des rescapés du génocide.
Le 11 mai 1960, sous le nom de Ricardo Klement, Eichmann, comme à tous les autres soirs, revenait de l’usine Mercedes où il travaillait comme contremaître.
À la faveur de la nuit, les agents du Mossad l’interceptèrent à sa descente de l’autobus, le forcèrent à monter dans une voiture et l’emmenèrent dans la planque qu’ils avaient louée. Après un bref interrogatoire, Klement finit par reconnaître sa véritable identité.
Dix jours plus tard, il embarqua dans l’avion qui devait l’exfiltrer vers Israël. Afin de ne pas être bloqué aux contrôles de sécurité, il fut revêtu d’un uniforme de la compagnie aérienne El Al et drogué. On l’installa dans l’appareil qui décolla aussitôt.
Eichmann dormait. Il se réveilla à Tel-Aviv et on lui offrit, pour le réconforter, un repas casher…La traque d’Eichmann (Paris, Perrin, 2010) se lit comme un roman d’espionnage haletant reposant sur des recherches et des entretiens menés en Argentine, en Israël et en Allemagne. Suspense, rebondissements, action sont servis dans une prose journalistique bien traduite de l’anglais par Patrick Hersant.
L’ouvrage, qui incidemment ne comporte aucune table des matières, mais une solide bibliographie constituée surtout d’ouvrages en anglais et un index, explique fort justement le contexte historique dans lequel Eichmann oeuvra durant la guerre ainsi que son rôle au sein de la terrible entreprise de destruction des Juifs d’Europe.
Autre point fort, Bascomb décrit comment Eichmann a pu se réfugier en Argentine en profitant des dysfonctionnements dans les communications entre les Alliés et comment il a su bénéficier d’aides extérieures pour s’évanouir dans la nature.
L’ouvrage permet enfin de mesurer la ténacité de Simon Wiesenthal (1908-2005) et de certains autres rescapés de la Shoah, dont les membres de l’équipe du Mossad qui procèrèrent à l’arrestation d’Eichmann. Bascomb met en lumière combien cette arrestation était devenue une priorité pour chacun d’entre eux.
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Il est aussi question d’Eichmann et de tous ces nazis qui furent poursuivis dans La traque des nazis. De 1945 à nos jours (Acropole, 2010). Tiré du documentaire éponyme offert avec l’ouvrage, ce livre largement illustré est signé par Daniel Costelle et Isabelle Clarke, auteurs de la série Apocalypse.
Y ont aussi collaboré Beate et Serge Klarsfeld. Fils d’un déporté juif assassiné, l’avocat et historien Serge Klarsfeld a consacré sa vie à la chasse aux nazis. Il a épousé Beate, une Allemande non-juive. Il y est aussi beaucoup question de Simon Wiesenthal, un rescapé des camps de la mort qui a consacré sa vie à la poursuite de ses bourreaux. Il fut d’ailleurs vite convaincu qu’Eichmann se trouvait en Argentine.
Le livre complète le documentaire diffusé sur France 2. Le DVD et l’ouvrage présentent des images bouleversantes présentant les exactions nazies, des documents extraits des archives des époux Klarsfeld et des photos inédites de Lili Jacob prises dans les camps de concentration par les nazis.
Troublant et choquant.
Indéniablement, car ils nous montrent qu’il fut un temps pas si lointain où le mal, pour certains hommes, était devenu banal…
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