Selon Jean-François Nadeau, Le Devoir.

Le sergent Fernand Trépanier, dernier soldat à s’être enrôlé volontairement en 1939 au Royal 22e régiment, est mort le 17 juin. Il était du premier contingent de soldats canadiens partis livrer bataille contre les dictatures de Mussolini et d’Hitler.

Lorsque Varsovie tombe aux mains des nazis, le 21 septembre 1939, Fernand Trépanier est en train de jouer au billard avec des camarades. Il décide de s’enrôler « avant qu’on vienne [l]e chercher ». Malgré les efforts qu’il déploie pour s’enrôler à Gaspé, on l’empêche de le faire parce qu’il parle français. Il finira par rallier le célèbre Royal 22e régiment basé à Québec. « J’ai été le premier dans mon village à m’enrôler. »

Nouveau soldat, il arrive en Angleterre à la mi-décembre 1939. « Beau voyage » se contente-t-il d’écrire à sa famille à Grande-Rivière, en Gaspésie. Le 18 décembre, il reçoit du roi George VI un carton qui le remercie de venir prêter main-forte à l’armée britannique. Trépanier connaît les bombardements incessants de Londres, tout en suivant son entraînement.

Fernand Trépanier, Brighton, Angleterre, février 1945. Source : Le Projet Mémoire

Fernand Trépanier, Brighton, Angleterre, février 1945. Source : Le Projet Mémoire

En 1942, dans le plus grand secret, on l’envoie en Irlande du Nord afin qu’il apprenne l’italien en prévision d’une attaque du régime de Mussolini. « J’étais le seul Canadien français. »

En 1943, Trépanier participe à la campagne d’Italie et débarque sur les plages de Sicile à 3 heures du matin. Il racontait volontiers plusieurs épisodes tragiques de ces batailles italiennes auxquelles il prit part : soldats blessés par des tirs d’obus, deux frères de Drummondville dont un a la gorge tranchée sous le regard de l’autre, des corps à corps d’une violence totale, etc.

La Sicile libérée, Fernand Trépanier va débarquer le 3 septembre sur le continent même, à Reggio. En octobre 1943, on le trouve à Gambatesa. Le 14 décembre, parti avec 85 hommes, il est blessé aux deux jambes lors de la terrible bataille de Casa Berardi qu’il parvient tout de même à conserver avec dix-sept hommes seulement.

Quatorze jours plus tard, sa mère reçoit en Gaspésie un télégramme laconique :« Regrettons sincèrement vous informer, sgt Fernand Trépanier E-4578 officiellement rapporté blessé au combat décembre 1943. Nature et gravité de sa blessure non encore signalées. Plus amples détails suivront sur réception. » Après plusieurs mois à l’hôpital, il finira la guerre en Angleterre, comme instructeur.

Frédéric Bastien, historien et professeur au Collège Dawson, a bien connu le militaire à la fin de sa vie. « Il disait qu’il n’avait eu aucune séquelle des combats. Aucun cauchemar. Rien. “Le sang froid, tu l’as ou tu l’as pas ”, disait-il. Il s’était pourtant battu corps à corps et avait tenu dans ses bras un homme au cou arraché par un éclat d’obus. La plupart des soldats ne veulent pas parler ensuite et font des cauchemars… Fernand Trépanier est quelqu’un qui avait un caractère exceptionnel. »

À compter des années 1970, le sergent Trépanier milite pour qu’une circonscription électorale porte le nom de la bataille d’Ortona et une autre Vimy, en mémoire de la bataille de la Première Guerre mondiale. Il souhaitait que des circonscriptions permettent d’honorer des militaires qui se sont battus « non pas comme des conquérants, mais des libérateurs », disait-il en entrevue au Devoir en 2011. La circonscription fédérale de Vimy a finalement été créée en 2013.

Les funérailles du sergent Fernand Trépanier se tiendront le mercredi 29 juin, à Montréal.