Par Gilbert Gilles Boulanger, DFC
Texte inédit
Au mois de septembre 1939, je venais d’avoir 17 ans et je quittais la maison paternelle de Montmagny pour la première fois afin de poursuivre mes études à l’École technique de Québec. La guerre venait d’être déclarée en Europe.
Dès les premiers mois, les services de renseignements officiels nous prédisaient un conflit de courte durée, car la Marine anglaise organisait un blocus de l’Allemagne et les valeureux pilotes de la Royal Air Force et ceux de l’Aviation française détruiraient assurément la Luftwaffe. On ne savait ce que signifiait ce blocus. De plus, la France possédait la plus puissante armée de l’Europe. L’Allemagne d’Hitler serait conquise en quelques mois, pensions-nous. L’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie et tous les pays européens avaient conscrits leurs citoyens pour la défense de leurs pays.
Mon ignorance des événements de la guerre de 1914-1918 était totale. Cette histoire n’était pas enseignée dans nos écoles. Je n’avais ni oncle ni ami de la famille qui y avait participé, pas plus que je ne connaissais des citoyens de Montmagny ayant servi dans l’armée ou la marine.
En janvier 1940, je visitais le Bureau de recrutement des Forces canadiennes situé rue Buade à Québec afin de me renseigner sur l’aviation militaire. J’avais 17 ans et le recruteur m’a dit de revenir quand j’aurais 18 ans. Je devais donc attendre encore six mois. J’ai insisté. Il m’a finalement donné un formulaire d’application. Au début de juin, je présentais le formulaire à mon père. Je venais tout juste, le 3 juin, d’avoir 18 ans.
De gauche à droite
Mon père Émile, ma soeur Marguerite, mon frère Robert, ma soeur Magdeleine et moi, Gilles.
Photo prise le 20 juin 1940
Avant la fin du mois, la France avait signé un armistice avec l’Allemagne nazie. La plus grande armée de l’Europe avait plié devant l’ennemi. Mon père était au désespoir. « Nous venons de perdre la guerre, me dit-il. Tu veux aller à la guerre sachant que nous avons perdus! ». « Oui papa, je veux aller à la guerre, mais seulement dans l’aviation ».
-Tu es majeur maintenant, a répond mon père. Tu as 18 ans et tu es un adulte.
C’est ainsi que l’adolescent que j’étais quitta la maison pour n’y revenir qu’au mois de mai 1945.
- Fin de la tuerie. Début de la vie - 29 janvier 2013
- Le mitrailleur Gilbert Gilles Boulanger raconte son engagement militaire - 1 février 2010