Plus de 70 ans après, les années n’ont pas effacé les souvenirs de Lorenzo Tremblay, qui a foulé les berges de Bernières-sur-Mer, le 6 juin 1944. «On est embarqué sur le bateau à 5h15, de Southampton [Angleterre], pour débarquer en Normandie vers les 7h», se souvient l’homme, l’entretien à peine débuté.
Assis dans sa chambre d’une résidence pour personnes âgées de Sept-Îles, Lorenzo Tremblay a rassemblé quelques vieilles photos et des découpures de journaux relatant son histoire, les honneurs reçus. Des souvenirs de ce jour-là? «Un paquet, répond-il. Il n’y aurait pas assez de votre journal pour les raconter.»
«On a pris Bernières [sur-Mer] et le soir, on a couché en arrière», poursuit-il. «C’est long, la guerre, t’avances pas tout le temps.» M. Tremblay, sergent responsable d’un peloton de Bren-Carrier [porte-mitrailleur] à l’époque, est resté au front pendant 11 longs mois. «J’ai été en charge de mon peloton jusqu’à la victoire», se rappelle-t-il.
Mais la bataille n’a pas été de tout repos. Le vétéran garde en mémoire une journée à Carpiquet, en France, où un obus a frappé sa tranchée. «Je me suis fait enterrer, on a été bombardé. Carpiquet, ç’a été difficile.» M. Tremblay n’a pas non plus oublié l’arrivée à la frontière de l’Allemagne, «la ligne», comme il l’appelle encore.
«Il y avait des fils barbelés et des bombes partout […] Il fallait les déterrer et les mettre hors d’atteinte. J’en ai pris des quantités», avance-t-il. Un autre sergent avait sauté sur une mine et perdu ses jambes. «Il n’est pas mort, mais je me suis retrouvé avec un peloton de 64 gars à partir de ce moment-là.»
Lorenzo Tremblay a remercié le ciel «d’être sorti de là» en vie, indemne. «La fin de la guerre? Ah, Seigneur, je m’en souviens, je m’en retournais chez nous.» Il est monté, avec des milliers d’autres soldats, à bord du Queen Mary pour atteindre New York, puis le train vers Québec et Lévis, où il servait pour le Régiment de la Chaudière.
Il est retourné à Rivière-du-Loup retrouver sa femme et serrer pour la première fois dans ses bras son fils unique, né pendant qu’il était au front. «C’est un trésor, votre premier enfant», dit-il, les étoiles dans les yeux. Le boum minier des années 50 l’attire à Sept-Îles, où il travaillera pour la compagnie IOC jusqu’à la retraite.
Les médailles, «au musée»
Encore aujourd’hui, pas une journée ne passe sans que M. Tremblay parle de ses années dans l’armée, nous a confié une proche. «Moi, je veux me faire enterrer avec mon blaser», lance-t-il, montrant sa veste verte décorée. «Mais pas avec les médailles. Ça, ça va aller au musée.»