Texte inédit transmis par un descendant de Jacqueline Bruyère (ma mère)
Gérard Bruyère est né le 21 mars 1922 dans le quartier Saint-Édouard à Montréal (aujourd’hui, arrondissement de Rosemont-La Petite Patrie). Fils d’Arthur Bruyère et de Cécile Vincent, il est le troisième d’une famille de huit enfants. Le jeune Gérard quitte l’école vers l’âge de 15 ans et se trouve un emploi de messager pour la compagnie Montreal Blue Print, dans le but avoué d’aider ses parents financièrement.
L’engagement d’une famille
En 1939, avant même le déclenchement de la guerre, son grand frère Roger s’engage au sein du Régiment de Maisonneuve. Gérard s’engage à son tour en juillet 1940 dans le Régiment de Châteauguay, puis est transféré peu de temps après aux Fusiliers Mont-Royal. Trois de ses frères, Jacques, Jean-Guy et Yvon, s’engageront tour à tour lorsqu’ils auront l’âge de le faire. André, le fils cadet de la famille Bruyère, est trop jeune pour servir.
Gérard et Roger se côtoient lors de leur entraînement à Valcartier. On raconte dans la famille qu’au moment où Roger annonce à Gérard qu’il doit quitter pour l’Angleterre le lendemain, Gérard s’empresse de demander à son officier de partir en même temps que son frère. Son vœu lui est accordé. Le jeune homme s’embarque ainsi à Halifax le 5 octobre 1941 pour un voyage qui le mène à Liverpool le 17 octobre. Il est d’abord intégré à diverses unités de formation dans le Surrey, au sud-ouest de Londres, avant de réintégrer les Fusiliers Mont-Royal en avril 1942. À partir de ce moment, son entraînement s’intensifie. Lui et ses camarades s’entraînent pour leur premier engagement en sol européen : le raid de Dieppe.
Un passage à Dieppe
Le 19 août 1942, les Fusiliers Mont-Royal participent au raid de Dieppe, nom de code de l’opération Jubilee. On sait peu de choses de l’expérience personnelle de Gérard Bruyère durant le raid, puisqu’il n’ a laissé aucun récit ou compte rendu. On sait cependant qu’il exerce le rôle de signaleur. En plus de participer à l’assaut avec ses frères d’armes, le signaleur transporte un émetteur radio et demeure en communication avec un bateau escorteur, qui se tient au large. Il doit fournir en temps réel la progression des troupes et l’état de situation de l’opération. Gérard fait partie des rescapés lors d’une opération de sauvetage héroïque : sous le couvert d’un épais écran de fumée et de la participation de la R.A.F., les soldats embarquent sur des péniches, même blessés, pour retourner aux bateaux qui les ramèneront en Angleterre.
Après les événements du 19 août 1942, Gérard Bruyère poursuit son service en Angleterre. La vie quotidienne suit son cours, ponctuée par ses exercices et ses temps morts. Selon le lieutenant Jean-Napoléon Maurice, un vétéran des Fusiliers Mont-Royal visité en 2000 par André Bruyère et sa conjointe Lucienne, Gérard Bruyère était considéré par ses camarades comme l’écrivain public. Puisqu’il écrivait sans fautes et avait une belle plume, plusieurs soldats demandaient à Gérard d’écrire leurs lettres à leur mère et à leur amoureuse.
Vers la Normandie
En juin 1943, Gérard Bruyère est promu au rang de caporal. Un an plus tard, soit le 6 juillet 1944, il s’embarque de nouveau pour la France. Dans le cadre de l’opération Goodwood, le jeune homme participe à l’opération Atlantic, à environ 8 kilomètres au sud-ouest de la ville de Caen. Cette opération prévoit l’assaut de la crête de Verrières entre le 18 et 20 juillet, dans le secteur de la commune de Beauvoir et du hameau de Troteval.
L’attaque de la compagnie C des Fusiliers Mont-Royal contre la ferme Troteval débute le 20 juillet. Les hommes doivent s’en emparer. Comme plusieurs autres fermes, communes et hameaux de la région, la ferme Troteval est occupée et défendue par les Allemands, qui disposent d’un arsenal important pour défendre cette zone. Les Fusiliers Mont-Royal combattent vaillamment autour des bâtiments de la ferme, ceinturés d’un mur de pierre, et tout autour dans les champs de blé. Mais l’arrivée de chars de la Panzer Division SS vient stabiliser et retarder leur action et leur objectif.
Les hommes des Fusiliers Mont-Royal encore en état de combattre, des compagnies D et B (qui viennent de s’emparer de la ferme Beauvoir avec l’aide des renforts attendus) et ceux de la compagnie C, avec l’assistance des chars des Fusiliers de Sherbrooke, prennent définitivement la ferme Troteval le 25 juillet. L’artillerie prend également part à l’assaut, elle qui avait été retardée par la résistance allemande (dont les effectifs avaient été mal évalués et sous-estimés avant le début de l’opération Godwood), la conjecture, l’état des routes et de fortes pluies.
Gérard Bruyère est porté disparu puis déclaré mort le 26 juillet 1944. Le caporal Bruyère est aujourd’hui commémoré au Mémorial de Bayeux sur la plaque 22, dans le département du Calvados en Normandie.
Il recevra l’Étoile de 1939-1945, l’Étoile France-Allemagne, la Médaille de la Défense, la Médaille de Guerre de 1939-1945 et la Médaille canadienne du Volontaire avec barrette, la croix du souvenir et la barrette de Dieppe.
« En 1997, le président local d’une association des vétérans de Dieppe recherchait ses membres pour leur remettre un hommage de reconnaissance de la part du gouvernement français. Gérard étant décédé, je me suis présenté comme seul membre vivant de la famille. Gérard figurait dans la liste. J’ai reçu cet hommage et je l’ai remis à mon neveu Gérard Bruyère, fils de Jean-Guy (Bruyère) et Gabrielle, né le 11 novembre 1954, jour de l’Armistice, ainsi prénommé en mémoire de mon frère. Cet hommage s’est joint aux médailles militaires de mon frère, dont mon neveu est dépositaire. » – André Bruyère, frère de Gérard Bruyère
La devise des Fusiliers Mont-Royal est NUNQUAM RETROSUM, ce qui signifie NE JAMAIS RECULER. Tous ces soldats ont endossé et appliqué ce principe en servant au péril de leur vie. Et ce pourquoi, désormais, notre devise se doit d’être NE JAMAIS OUBLIER.
À ta mémoire pour toujours, frère de ma mère Jacqueline