[NDLR : Cet article est une réédition de celui originalement publié le 11 janvier 2010, dans les tout premiers jours de notre site.] Par Sébastien Vincent Texte inédit
Il est difficile de déterminer précisément le nombre de Canadiens français issus du Québec ayant servi outre-mer, car les statistiques militaires de l’époque ne croisent pas la langue maternelle et le statut à l’enrôlement. Tout au long du conflit, le gouvernement fédéral a évité, pour des motifs politiques, de rendre cette situation transparente. L’historien Manson Wade résume ainsi la situation :
La maladroite décision officielle de rendre impossible la comparaison des contributions françaises et anglaises en effectifs, donna naissance à des soupçons chez les Canadiens anglais qui ne se gênaient pas pour déclarer que l’effort de guerre canadien-français était trop faible pour être divulgué, tandis que les Canadiens français le jugeaient supérieur à ce qu’il était en réalité. Il en résulta un heurt passionné d’opinions mal fondées, des deux côtés, sur la question, comme en 1917. […] Le Canada anglais avait tendance à juger l’effort de guerre exclusivement en fonction du volontariat, tandis que le Canada français comptait, parmi ses états de service, sa très importante participation aux emprunts de guerre.
Il demeure cependant possible de faire des estimations. Pour l’ensemble du conflit, environ 131 000 Québécois, anglophones et francophones, se seraient portés volontaires, incluant les conscrits ayant décidé d’accepter le Service général, comme on qualifiait le volontariat, mais excluant les femmes[i]. De ces 131 000 volontaires issus du Québec, entre 84 000 et 91 000 auraient été des francophones[ii]. La majorité aurait servi dans l’infanterie et dans l’artillerie. Par ailleurs, plus de 77 000 francophones hors Québec se seraient versés dans les forces volontaires. La majorité d’entre eux provenait du Nouveau-Brunswick (48%) et de l’Ontario (47%). En additionnant la plus petite des deux estimations, soit 84 000 volontaires francophones issus du Québec et les 77 000 francophones hors Québec, nous obtenons un total estimé à 161 000 Canadiens français dans les trois armées, soit 20.23% des effectifs volontaires du pays[iii].

Archives nationales du Canada PA-132463- Soldats du Régiment de la Chaudière avec des civils, Bernières-sur-Mer, France, 6 juin 1944. Photo F.L. Dubervil.

Parmi les 131 000 volontaires toute langue confondue issus du Québec environ, 13 000 matelots et officiers originaires du Québec ont servi dans la Marine royale canadienne (MRC), unilingue anglaise, formant près de 13% de son effectif total. Le pourcentage des officiers (1294 sur 6621) soit 19.5% est plus élevé que celui des marins (11.96%).
Le NCSM Athabaskan G07 à l'ancre en Islande en 1943 source: Pierre Lagacé

Le NCSM Athabaskan G07 à l’ancre en Islande en 1943. Source: Pierre Lagacé

L’effectif de l’Aviation royale canadienne (ARC) compte, au terme de la guerre, plus de 263 000 hommes et femmes, dont 50 000 outre-mer. Sur les 222 501 hommes enrôlés dans l’ARC, environ 25 000 officiers et aviateurs francophones et anglophones étaient originaires du Québec, soit 11.13% de son effectif. Fait à noter, l’Ontario a produit quatre fois plus d’aviateurs que le Québec entre septembre 1939 et décembre 1946, certainement en raison du fait qu’elle a largement profité des écoles de l’Armée et de l’ARC. Par ailleurs, la majorité des membres stationnés outre-mer étaient prêtés à des escadrons de la RAF.

Le 425e Escadron fut formé le 25 juin 1942 dans le Yorkshire en Angleterre. Son appellation de ‘Premier escadron canadien français’ ainsi que son emblème ‘Les Alouettes’ font de lui un escadron spécial et il a adopté la devise ‘Je te plumerai’. Équipé de Wellington, de Halifax et de Lancaster, le 425 effectuera plus de 287 bombardements et remportera plus de 190 décorations pendant la Seconde Guerre mondiale.

Enfin, le pourcentage des généraux et officiers supérieurs francophones (lieutenant-colonel et plus) de l’armée de terre s’élevait tout au plus à 8.1% au moment de la démobilisation, soit la proportion enregistrée dans la Milice avant la guerre. On peut donc soutenir que peu de francophones ont occupé de hautes fonctions dans l’institution militaire canadienne durant la Seconde Guerre mondiale.  

[i] Serge Bernier, « Participation des Canadiens français aux combats : évaluation et tentative de quantification », dans Serge Bernier, Robert Comeau, Béatrice Richard, Claude Beauregard et Marcel Bellavance (dir.), « La participation des Canadiens français à la Deuxième Guerre mondiale, mythes et réalités », Bulletin d’histoire politique, vol. 3, nos 3-4 (printemps/été 1995),p. 19. [ii] Ibid, p. 20.
[iii] Ibid, p. 20.
Sébastien Vincent