Commémorations de moins en moins suivies : faut-il sauver le 8-Mai ?

PAR ESTELLE JOLIVET

La Voix du Nord

Bernard Lams et Jean-Claude Allouchery seront ce matin côte à côte pour les célébrations du 8 mai au monument aux morts. PHOTO « LA VOIX »

Ce matin, une délégation d’officiels et d’anciens combattants célébrera au monument aux morts la fin de la Seconde Guerre mondiale. De moins en moins de civils s’associent à ces moments de recueillement, dont la portée s’étiole au fil des ans. À Bierne, Bernard Lams a voulu contrer la tendance en créant il y a dix ans l’association du Souvenir. Pour quel résultat ?

« Je me souviens de mon grand-père, qui allait au monument aux morts avec toutes ses médailles. Après, il allait au bistrot et il passait le reste de la journée à rire et à pleurer. » Jean-Claude Allouchery préside depuis 29 ans la section biernoise des CATM-TOE (combattants Algérie Tunisie Maroc – théâtre d’opérations extérieures). Son grand-père a « fait Verdun », son père a été prisonnier en Allemagne. Lui, a « fait l’Algérie. Soldat, c’était pas mon métier, on était des conscrits, et on est les derniers. Maintenant, il n’y a que des militaires de carrière, et ils ont leurs propres associations. Dans la commune, combien compte-t-on de militaires ayant fait l’Afghanistan ? Je n’en connais pas. »

Devoir de mémoire

Ce matin, sa fonction le portera jusqu’au pied du monument aux morts. Près de lui se tiendra Bernard Lams, le président de l’association du Souvenir, fondée il y a dix ans. L’un représentera les anciens combattants, vieillissants. L’autre portera le « devoir de mémoire » des civils. Bernard Lams n’a jamais combattu sous les drapeaux, mais il tient « ça », ce sens du respect des aïeux, de ses parents. « Mon grand-père avait fait la guerre. Et moi, quand je suis revenu de l’armée, je me suis mis à aller au monument aux morts et à la messe le 11 novembre. » L’association, ça n’était pas son idée, mais celle de la municipalité et de Jean-Claude Allouchery, qui estime que « s’il n’y a plus de rassemblement de civils, le monument aux morts disparaîtra. Un jour, on dira « il gêne », et on l’enlèvera. On ne me croit pas quand je dis ça. »

Bernard Lams fait remarquer que « toute la saison, il y a des fleurs » sous les listes de noms des Biernois morts au combat.

L’association compte une quarantaine de sympathisants, mais « pas beaucoup de jeunes », regrette le président, qui reporte ses espoirs sur « les enfants des écoles ». L’an dernier, une classe a été conduite au musée de la Résistance de Bondues. L’année d’avant, c’était au Mémorial du souvenir de Dunkerque. Les enfants sont aussi conviés aux commémorations officielles, comme celle de ce matin.

« La transmission, c’est difficile. Les jeunes générations n’ont pas le temps, constate, sans amertume, Jean-Claude Allouchery.

Mais si je n’étais pas ancien combattant, est-ce que je serais là ? » On lui oppose l’exemple britannique, où l’élan patriotique fait fleurir aux boutonnières des millions de coquelicots en papier le 11 novembre, Jour du Souvenir. Il hausse les épaules. « Ce n’est pas la même mentalité. Et puis en France, est-ce qu’on ne fait pas un peu trop de commémorations ? Ici, au village, on en a trois par an. » Les gerbes déposées le dernier dimanche d’avril pour la Journée du souvenir des Déportés ne seront pas encore fanées que déjà les remplaceront celles du 8-Mai. « Je pense que la répétition lasse. Moi, je serais en faveur d’une seule journée pour toutes les commémorations. » Avec un même message, qui revient en boucle dans la bouche des combattants comme des civils : « Plus jamais ça ».

Pour l’instant, l’initiative biernoise n’a pas essaimé dans d’autres communes de Flandre. Ça n’empêche pas l’association du Souvenir de s’étoffer.

Elle a gagné cinq nouveaux membres lors de la fête des associations du village, le 1er mai. « Ils ne seront pas forcément là pour le 8 mai, mais ils nous soutiennent », positive Bernard Lams. « Vous allez perdre votre 8-Mai férié ! prédit Jean-Claude Allouchery, volontairement provocateur. Pour le sauver, venez ce matin. Ce n’est pas long, un quart d’heure, pour se souvenir. »

Source : 
http://www.lavoixdunord.fr/Locales/Dunkerque/actualite/Secteur_Dunkerque/2012/05/08/article_commemorations-de-moins-en-moins-suivies.shtml