Sébastien Vincent
Texte inédit
L’historiographie récente de la guerre 39-45 accorde une importance certaine aux acteurs du conflit, notamment aux piliers du Troisième Reich. Deux importantes biographies en témoignent.
Heinrich Himmler de Peter Longerich, traduit de l’allemand par Raymond Clarinard, Paris, Héloïse d’Ormesson, 2010, 916 p.
Le lecteur qui soupèse la première biographie en français d’Heinrich Himmler est saisi par son exhaustivité : 916 pages, dont 176 de notes! L’historien allemand Peter Longerich, auteur déjà d’une passionnante étude fort exhaustive portant sur l’attitude des Allemands face à la Shoah (« Nous ne savions pas ». Les Allemands et la Solution finale (1933-1945), Paris, Héloïse d’Ormesson, 2008) nous convie cette fois à un troublant périple au cœur de la fantasmagorie de cet être névrosé, mythomane et fanatique qui, rappelle le prologue, se suicida en avalant une capsule de cyanure devant des soldats anglais, peu de temps après son arrestation.
Longerich soutient que ce petit bourgeois porté par des fantasmes guerriers trouva dans le nazisme un moyen de compenser sa fragilité intime et sa volonté de pouvoir. Cet écart entre l’ambition élitiste d’Himmler, chef des SS, et son évidente banalité le rend terrifiant. La lecture de ce travail monumental qui repose notamment sur le journal d’Himmler et sa correspondance s’avère dérangeante, car elle dévoile la face la plus sombre de l’humain.
Une figure plus lumineuse
Professeur d’histoire à l’Université McGill, Peter Hoffmann propose une biographie du comte Claus von Stauffenberg, surtout connu pour avoir été au cœur de la tentative de coup d’état et d’assassinat perpétré contre Adolf Hitler, le 20 juillet 1944 (opération Walkyrie). L’homme fascine aujourd’hui, car il représente une des figures emblématiques de l’opposition au national-socialisme.
Hoffmann décrit minutieusement le parcours politique et professionnel qui mena Stauffenberg de la sympathie envers certains aspects du nazisme à la résistance pure et simple face au gouvernement du Reich et à Hitler. Chef d’état-major auprès du commandant de l’Armée de Réserve allemande, il refusa le caractère criminel du régime. En ce sens, Stauffenberg, que Hoffmann blanchit de tout sentiment antisémite, constitue un personnage inspirant, sorte d’antithèse du Führer et d’Himmler. Aujourd’hui des monuments et des rues portent d’ailleurs son nom en Allemagne.
Fondée entre autres sur des archives familiales, de la correspondance et des témoignages de contemporains, cette biographie d’abord parue en allemand fut traduite en anglais, en tchèque et en espagnol. Il faut saluer cette première traduction française, d’autant que l’initiative en revient à un éditeur québécois!
Stauffenberg. Une histoire de famille, 1905-1944, de Peter Hoffmann, traduit de l’anglais par Anne-Hélèene Kerbiriou, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010, 499 p.
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