Le capitaine Maurice Cardinal, du Régiment de la Chaudière, revendique deux premières lors de la campagne de Normandie, à l’été 1944. Selon l’officier de renseignements Gérard Leroux, c’est le capitaine Cardinal, officier de débarquement, qui a la distinction d’être le premier Chaud à mettre pied à terre à Bernières-sur-Mer, lors du débarquement du régiment francophone le matin du 6 juin. Près d’un mois plus tard, ce même Cardinal aura cette fois l’honneur de capturer le premier prisonnier allemand lors de l’attaque alliée sur Carpiquet.
Le matin du 4 juillet 1944, vers 3 heures, la 8e Brigade d’infanterie canadienne et ses unités de soutien se dirigent vers la ligne de départ d’une nouvelle attaque. L’objectif : l’aéroport de Carpiquet, prélude à la prise de Caen.
Devant La Villeneuve, le Régiment de la Chaudière est à droite et le North Shore (New Brunswick) Regiment à gauche, prêts à s’emparer de Carpiquet et des « hangars du nord » avec l’aide de deux escadrons de chars du Fort Garry Horse. L’artillerie alliée ouvre les hostilités. L’opération WINDSOR est lancée, les Canadiens se mettent en marche.
À travers un écran de fumée opaque, la compagnie D du major Gustave-Olivier Taschereau et la compagnie B du major Jean-Fernand L’Espérance foncent sur l’ennemi, bientôt aidés des lance-flammes des chars Crocodiles pour déloger les Allemands retranchés dans leurs casemates. Ils avancent petit à petit, à terrain découvert.
La 12e Panzerdivision SS et son 26e Régiment de Panzergrenadiers maintiennent leurs positions défensives et ciblent le North Shore. En attirant sur lui le feu de l’ennemi, le régiment du Nouveau-Brunswick protège l’avance du Régiment de la Chaudière du pire de la réponse allemande.
À 6 h 32, le lieutenant-colonel Paul Mathieu, commandant du Régiment de la Chaudière, signale à l’état-major de la 8e Brigade l’atteinte par certains de ses hommes des abords du village de Carpiquet et des hangars. Le North Shore s’abrite quant à lui près d’un mur de pierre qui correspond à son premier objectif, devant Carpiquet. Mais l’intensité des bombardements force les deux bataillons canadiens à prendre une pause.
L’artillerie alliée se tait enfin, une vingtaine de minutes plus tard. Le Chaudière et le North Shore en profitent pour foncer sur le village, avançant de maison en maison à travers les ruines avec l’appui des chars du Fort Garry Horse. À midi, le commandant Mathieu rapporte que ses compagnies ont capturé tous leurs objectifs sans trop de difficultés.
Au cours de l’avance, le capitaine Maurice Cardinal, commandant en second de la compagnie D, échappe à un tireur d’élite allemand qu’il réussit à abattre d’une balle de revolver. Quelques instants plus tard, alors qu’il rampe au sol dans les épis de blé, Cardinal sent un chatouillement à la nuque. Une balle vient de le frôler. Le sergent-major Pierre Beaulieu, qui rampe à sa droite, a pu voir d’où le coup est parti. Il abat cet autre tireur d’élite avec son fusil, avant qu’il n’ait l’occasion de viser le capitaine Cardinal à nouveau. Celui-ci décrit la suite au correspondant de guerre Maurice Desjardins :
« Quelques minutes plus tard, je m’emparais d’un prisonnier, un gros garçon blond de 18 ans, bien bâti et portant les insignes de la division de la jeunesse hitlérienne. Je reçus l’ordre en même temps de me rapporter aux quartiers généraux du bataillon, qui était sans nouvelles, car les fils de T. S.F. avaient été coupés par les obus. J’amenai mon prisonnier avec moi. Le couvrant de mon revolver, je lui fis traverser tout le village qui était plein de nos troupes se préparant à partir pour le front. Le jeune boche avait les bras en l’air et il semblait en proie à une frayeur extrême, rien qu’à voir le tremblement qui agitait ses mains, il était facile de voir que ses officiers lui avaient dit que les Alliés ne faisaient pas de prisonniers et les brûlaient à petit feu[i]. »
Un photographe de l’armée canadienne a croqué la scène :

Prisonnier allemand escorté par le capitaine Maurice Cardinal (au loin), du Régiment de la Chaudière, près de Carpiquet le 4 juillet 1944. Source : Bibliothèque et Archives Canada
Le North Shore et le Chaudière contrôlent Carpiquet. Ils organisent une solide défense autour du village. Les Alliés réussiront bientôt à s’emparer de Caen. Mais il faudra encore un mois et demi avant de chasser les Allemands de la Normandie et libérer Paris.
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[i] Maurice Desjardins, « Le 1er prisonnier de Maur. Cardinal », L’Événement-journal, 2 août 1944, page 9.
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