Par Pierre Vennat
Journaliste-historien
« Un prisonnier de guerre des Japonais… Il tombe malade… on se bat pour avoir sa ration. Il git sur son grabat est ses camarades sont trop affligés eux-mêmes pour même penser à sympathiser… Il couche sur une paille pourrie de puces en été, les insectes volants l’accablent. En hiver, il est gelé continuellement, il n’a pas le courage de se laver… Et cependant, l’espoir fou d’être libre bientôt le fait marcher, agir ». (Georges Verreault)
« Nous crevons de faim… Nous n’avons pas beaucoup de manger et, ce qu’il y a, un chien, au Canada, n’en mangerait pas… Je m’ennuie beaucoup. Le Sergent quartier-maître MacDonald meurt. Mort de faim… J’ai vu beaucoup de mes camarades mourir parce qu’ils se décourageaient. Dès qu’ils se décourageaient, bien trois jours après, ils étaient morts. Le moral, fallait pas que ça tombe… » (Bernard Castonguay).

Les corps décharnés des Canadiens faits prisonniers par les Japonais démontrent tout le calvaire qu’ils ont enduré.
Georges Verreault et Bernard Castonguay ont ceci en commun : tous deux ont été capturés par les Japonais, le 25 décembre 1941, après la défaite des Canadiens à Hong Kong. Tous deux ont été détenus par les Japonais, dans les pires conditions, jusqu’en septembre 1945, soit jusqu’à la capitulation des Nippons à la suite des deux largages de bombes atomiques par les Américains.
Tous deux ont, durant toute leur captivité, rédigé un « journal de prisonnier » qu’ils ont réussi à cacher à leurs geôliers et les deux ont vu leur journal de prisonnier publié après leur mort, le premier par son fils et le second par sa femme.
Georges Verreault, ancien monteur de lignes de Bell Canada, s’était enrôlé dans le Corps des signaleurs et fut dépêché à Hong Kong pour y installer un réseau téléphonique pour l’usage des forces armées. Bernard Castonguay, quant à lui, s’était engagé dans les Royal Rifles du Canada, régiment de Québec qui comptait 35 à 40 % de Canadiens français bilingues et qu’on avait envoyé à Hong Kong pour s’entraîner et servir de garnison. Les deux furent plongés en pleine guerre deux semaines à peine après leur arrivée.
Les récits des deux se ressemblent et sont poignants : « Tous les jours, je perds des forces, je me sens aller. La faim! La sinistre faim, dont on lit dans les romans, nous lui goûtons! Toutes les nuits, je rêve d’un énorme steak avec des patentes pilées royalement crémeuses, du bon catchup (sic) jaune que ma mère faisait sans oublier le délicieux pain blanc, magistralement beurré : le tout arrosé d’une capiteuse tasse de café. Puis une majestueuse crème fouettée avec jello et gâteau chocolat. … »
Mais il n’y avait pas que la faim : « Hier après-midi, une petite fille de douze à treize ans essayait de vendre quelque chose à un prisonnier à travers la clôture. Une sentinelle japonaise la vit, elle tira sur la petite qui s’affaissa, une balle dans les reins. Le rascal la chargea sur son épaule, brutalement, et alla la jeter dans un coin de la rue où une vieille femme vint la ramasser… »
Pas étonnant qu’on puisse lire « nous sommes prisonniers de guerre et les cochons (les Japonais!) rient de tout leur visage maudit. Je ne peux pas décrire ce que je ressens dans mon cœur! J’ai un vide immense dans l’âme. Je les hais de tout mon cœur!… »
La simple vue de photos de ces êtres décharnés nous fait sentir toute la souffrance qu’ils ont vécue pendant plus de 3 ans et demi.
Raison de plus de ne pas les oublier.
Sources
- Bernard Castonguay, avec la complicité de Renée Giard (son épouse), Prisonnier de guerre au Japon (1941-1945), 1995, 212 pages.
- Georges Verreault, Journal d’un prisonnier de guerre au Japon 1941-1945, 1996, 313 pages.
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