Par Guy Tremblay
Suite de l’article Laurent Véronneau, mitrailleur au sein du 425e escadron de la RCAF (1re partie de 3)
Laurent et son équipage sont attachés à la base de Tholthorpe située à 19 km au nord-ouest de York, en Angleterre (voir no 1 sur la carte ci-bas). L’escadron 425 est basé à cet endroit entre décembre 1943 et juin 1945.
C’est à partir de cette base que Laurent exécute quelques vols d’entraînement avec un bombardier de type Wellington, surnommé le cigare volant.
La première mission de bombardement à laquelle il participe déroule en pleine nuit sur Cologne, en Allemagne. Laurent se souvient encore des départs des 20 à 25 bombardiers Halifax qui quittaient le sol anglais pour ces dangereuses missions de bombardements au-dessus de l’Allemagne.
Les hommes partaient sans savoir s’ils allaient revenir et ils ignoraient, s’ils revenaient sains et saufs, dans quel état serait leur appareil. En effet, plusieurs Halifax revenaient au bercail parsemés de trous de balles, et très souvent, avec seulement trois moteurs au lieu de quatre.
Laurent participe à 21 missions de bombardement au-dessus de l’Allemagne et à deux de diversion. Les bombardements se déroulent la plupart du temps de nuit, à une altitude moyenne de 15 000 pieds. Plus d’une centaine d’appareils prennent habituellement part à ces raids. Ils déversent souvent plus d’un million de livres de bombes à forte explosion et 250 000 livres de bombes incendiaires.
Dans la nuit du 15 au 16 mars 1945, Laurent en est à sa quinzième mission. Il se trouve à bord de l’un des 43 Halifax des escadrons 408, 415, 420, 425, 426 et 436. L’opération compte aussi 99 Lancasters issus des escadrons 419,424,427,428,431, 433 et 434. Par temps clair, ces appareils se dirigent vers la ville de Hagen, située dans la vallée du Rhur.
Les équipages survolent la région à des altitudes comprises entre 13 000 et 19 000 pieds. Ils larguent plus de 468 000 livres d’explosifs et 818 000 livres de bombes incendiaires, infligeant de sérieux dommages aux usines ennemies.
Soudain, alors qu’il se trouve au-dessus de l’objectif, l’appareil dans lequel se trouve Laurent est illuminé par un faisceau lumineux provenant du sol. La défense anti-aérienne allemande a repéré le bombardier et l’attaque. Heureusement, les dommages ne sont pas sérieux : quelques trous dans une aile et le fuselage.
Sur le chemin du retour, un chasseur de nuit allemand Junkers 88 tire une série de balles qui atteint l’aile droite du bombardier ainsi que ses deux moteurs de droite.
Junker 88
Laurent tire plusieurs rafales vers le Junker 88. Selon la trajectoire des balles traçantes, il semble qu’il atteint sa cible à plusieurs reprises. Laurent conserve son calme, cette attaque n’est pas la première du genre à laquelle il fait face.
Tout à coup, il aperçoit du feu dans le quatrième moteur, puis dans le troisième. L’ingénieur de vol met aussitôt les extincteurs en marche, mais en vain. Le feu continue à consumer l’aile et les moteurs.
À ce moment, Laurent décide de quitter ce four qui risque assurément de devenir son tombeau. Le temps le presse, car doit rapidement exécuter les opérations suivantes avant de pouvoir sauter en parachute :
- débrancher tous les raccords de sa combinaison : oxygène, chauffage, casque d’écoute;
- descendre de sa tourelle dans la carlingue pour prendre son parachute et ce, sans masque, à 13,000 pieds d’altitude;
- se guider dans la noirceur totale sur la longueur du fuselage pour trouver son parachute et l’attacher;
- combattre les mouvements de roulis vers la droite en piqué de l’avion en évitant le feu qui envahit le fuselage;
- sauter les deux pieds en avant en se disant qu’il mourra de toute façon s’il demeure trop longtemps dans l’appareil.
L’évacuation est chaotique. Laurent perd une botte. Une sangle de son parachute reste coincée autour de son épaule droite. En chute libre, dans le froid de mars et la pénombre, il voit disparaître son Halifax en flammes qui s’écrase au loin. Il espère de tout cœur que les autres membres de l’équipage ont pu abandonner à temps l’appareil.
Laurent parvient à tirer la poignée d’ouverture du parachute. Celui-ci s’ouvre. Mais sa joie s’estompe rapidement : où atterrira-t-il? Dans les arbres? Sur des fils? En territoire ennemi?